Les compagnies aériennes se tournent vers les spécialistes pour se rassurer. L’actualité du mois d’août et celle de septembre, marquée aux USA par des déclarations de faillite en prévision du réaménagement de l’article 11 et plus près du Maroc, en Europe, par des risques de faillite, montre que l’après 11septembre 2004 reste toujours à dessiner.
En 2005, le carburant est devenu le problème fondamental des compagnies aériennes. Les surcharges dues au carburant, conjuguées aux ajustements de tickets font aujourd’hui du pilotage d’une compagnie aérienne un exercice d’équilibriste. L’horizon est loin d’être dégagé. D’où le recours aux spécialistes pour comprendre le pourquoi de ces hausses vertigineuses et prévoir à temps les points d’inflexion de la crise.
L’analyse donnée dans ce cadre par Pierre Terzian, lors de la rencontre initiée par la Royal Air Maroc, lundi 26 septembre 2005, sur «La géopolitique et le prix du pétrole», tente de dégager une éclaircie. Une réponse à «à quand la retombée?» que se posent toutes les compagnies de transport obligées d’une part de rester en vol et d’autre part de ne pas trop solliciter le client, lequel ne s’est jamais senti aussi roi avec la panoplie d’offres allant des low cost aux avions bus. Dans son intervention, le patron de Petrostratégies a d’abord fait défiler les chiffres. Le marché est caractérisé par des réserves abondantes mais dominées par un petit nombre de pays.
Les estimations datant de 2005 font état de 1 300 milliards de barils détenues à 70% par l’OPEP. L’influence du Moyen-Orient est loin de s’estomper de l’avis de M. Terzian qui, s’appuyant sur les prévisions des spécialistes de l’Agence internationale de l’énergie atomique, prévoit des parts de marchés passant de 31% en 2004 à 45% à l’horizon 2030. La production est par contre moins concentrée que les réserves mais avec le tiers concentré aux USA. Estimée en tonnes par tête d’habitants, la consommation fait ressortir d’énormes disparités.
En Asie, en Europe, en Afrique et en Amérique du Sud, le ratio varie entre 0 et 0,75, loin des 3 points de l’Amérique du Nord et des 2,25 de l’Europe Occidentale. Vu la configuration du marché, l’OPEP est loin d’être le seul maître du jeu. D’autres facteurs comme les fluctuations de la demande, le mouvement des stocks, la perception du marché, les incertitudes de la géopolitique et les marchés financiers du pétrole influent largement sur la donne. La demande mondiale est passée de 660 000 barils/jour entre 2003 et 2004 à 2 220 000 entre 2003 et 2004 avec un bond de géant pour la Chine.
L’empire du milieu est ainsi passé de 230 000 barils à 700 000 entre les deux périodes. Par conséquent, selon le professeur, il y a eu une rupture entre le cycle de l’offre et le cycle de la demande et une quasi-disparition de la capacité de secours de l’OPEP : «le baril d’assurance devient inférieur au baril de risque ». L’on note par ailleurs des tensions dans les capacités de transport et des pénuries dans le raffinage. Pour le professeur, avec la hausse de la demande en Chine et en Inde, «plus rien ne sera pareil ». Car d’après son analyse, «le réveil de ces deux géants dépasse de très loin le problème pétrolier ». En termes réels, les prix de pétrole sont restés faibles.