Economie

Une entente cimentée

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Le prix du ciment sur le marché marocain, par rapport aux prix du bassin méditerranéen, est assurément élevé. Au départ de l’usine, une tonne de ciment coûte environ 790 DH la tonne. Dans un rayon de 100 kilomètres, le prix s’apprécie de 50 %, soit un prix de vente marché de d’ordre de 1000 DH/T ou 100 dollars/T. Comparativement, le prix en Egypte est de l’ordre de 32,5 dollars/T.
La différence notable de prix n’est pas sans poser la question légitime des raisons derrière ce différentiel si important. Selon les promoteurs immobiliers, l’entente sur les prix n’est même plus à prouver. Elle est bien établie et respectée par les quatre opérateurs du ciment au Maroc : Lafarge Ciment, Holcim Maroc, Cimar et Asment de Temara.
Les propos d’un analyste financier, spécialise du secteur, sont plus nuancés : « Nous sommes plutôt en présence d’une entente de fait », estime-t-il. En fait, le transport du ciment étant lent et coûteux, la proximité géographique entre producteur et client est véritablement essentielle. Au-delà d’une distance de 200 kilomètres, l’approvisionnement en ciment n’est plus rentable. C’est pourquoi les marchés sont essentiellement régionaux, les lieux de production doivent se situer à proximité des lieux de consommation, et le commerce extérieur de ciment est limité aux pays frontaliers ou bien s’effectue par voie maritime.
C’est ainsi que les groupes les plus importants disposent d’unités de production dans différents pays. « Toutefois, je tiens à préciser que si ailleurs les opérateurs se contentent d’une marge comprise en 10 et 15%, au Maroc les cimentiers réalisent des marges opérationnelles uniques au monde. Elles se situent entre 35 et 40% » , explique l’analyste.
Par contre, l’entente est bien dénoncée ailleurs. Trois groupes se partageant le marché roumain du ciment – le Français Lafarge, l’Allemand Heidelberger et le Suisse Holcim – sont accusés d’avoir artificiellement réduit la production pour augmenter leurs prix. En plus, le groupe Lafarge a fait appel de l’amende infligée par la Commission européenne pour entente dans le secteur du plâtre, mais la procédure devrait être longue. Par ailleurs, Lafarge a également été condamné par l’Office fédéral allemand des cartels dans le cadre d’une entente sur les prix dans le ciment (…)
Toutefois, l’entente de fait sur le marché marocain est amenée à éclater d’elle-même. Les accords de libres-échanges signés par le Maroc sont de nature à instaurer une concurrence réelle et verticalement loyale. D’ailleurs, les cimentiers en sont pleinement conscients. Ils essayent de tirer au maximum profit de la situation actuelle en engrangeant des bénéfices records. L’objectif est de constituer des graisses stratégiques en préparation de la baisse incontournable des marges et son alignement sur des standards internationaux.
Une des zone à risque pour les quatre opérateurs est assurément l’espace de libre-échange, plus connu sous le nom des accords d’Agadir, signé entre quatre pays arabes. Pour les cimentiers, parmi la Jordanie, la Tunisie et l’Egypte, ce dernier pays constituent la pire des menaces. Ainsi, à partir de 2006, le ciment égyptien pourrait être facilement écoulé, en franchise totale de droits de douane sur le marché marocain. Le très faible prix (32,5 dollars-T) doublé d’une forte capacité de production (10 millions de T/an) sont autant d’arguments à faire valoir. Il est aussi admis que la voie maritime est un excellent moyen de contournement des contraintes terrestres. Alors qu’un bateau permet au minimum une capacité de 30 000 T, un camion ne peut, au mieux, ne transporter que 100 T. En plus, les observateurs parlent actuellement des bateaux entiers de ciments qui sillonnent la Méditerranée en attendant des opportunités pour déverser leurs stocks.
Afin de mieux faire face à cette menace, les opérateurs sont déterminés à investir massivement. Ainsi, il est à relever que Lafarge Ciments s’est lancée dans une nouvelle ligne de production à l’usine de Bouskoura au Maroc, visant à augmenter la capacité de production de plus de 900.000 tonnes.
L’investissement permettra de renforcer significativement la productivité de l’usine. Les nouveaux équipements seront opérationnels débuts 2006. La création de valeur sur ce projet est attendue rapidement grâce à la croissance du marché.
De son côté, Ciment du Maroc, par la voix de son Président Mohamed Chaïbi, a annoncé l’obtention de l’autorisation de l’office des Changes pour investir en Egypte. Les discutions sont encours avec les autorités égyptiennes pour la concrétisation de cette opération.
La maison-mère, Italcementi, pourrait ainsi accompagner Cimar pour le contrôle du cimentier égyptien Suez Ciments dont elle détient déjà 34 % du capital. Cimar pourrait consacrer 60 millions d’euros pour cet investissement. Auparavant, la filiale marocaine avait initié l’opération de manière directe. Sauf que le veto de l’office a changé la donne. Ce refus a donné lieu à une distribution généreuse de dividendes exceptionnels, sur deux exercices. Par la suite, la maison-mère y allée seule.
Cette approche Cimar est de nature à la placer sur le terrain de la concurrence. Ses moyens lui permettent assurément. Son programme d’investissement, compte tenu de sa surcapacité actuelle, est gelé jusqu’en 2008. Mais le marché marocain, compte tenu de la croissance exceptionnelle (9,5 % en 2003) ne merite-il pas de meilleurs prix ? « Tout porte à croire que jusqu’en 2006 au moins, les prix continueront à engraisser les opérateurs actuels. À partir de cette date, ils baisseront assurément, sous l’effet conjugué de l’ouverture », explique un analyste.
Ciment du Maroc avait répercuté la baisse induite par la réduction de la TIC sur les combustibles à partir du lundi 8 septembre 2003. Cette baisse allait être de 14,6 DH à Agadir et 16,3 DH par tonne hors-taxe à Indusaha (Laâyoune). Mais l’opérateur a fait marche arrière. Les recettes générées par l’accord du 5 juin 2003, visant la réduction des deux tiers de la TIC sur les combustibles industriels ne sont pas tombées directement dans les comptes des cimentiers. Les recettes ainsi générées vont droit au Fonds de Solidarité Nationale, servant à financer le programme national pour la lutte contre l’habitat insalubre. En 2004, 300 millions de DH sont escomptés.
À l’époque, les opérateurs n’ont rien trouvé à dire. Leurs marges opérationnelles sont assurément derrière ce profil bas. Un effort supplémentaire à l’effort national reste à espérer. Les chantiers ouverts sont porteurs de richesses supplémentaires. Grâce au programme de logements sociaux, d’infrastructures mais également à l’effet induit d’une bonne année agricole, les périodes de vaches maigres sont derrière eux.

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