Editorial

Battus au premier tour

© D.R

La vie de ministre n’est pas de tout repos. C’est une tâche ardue qui demande de l’abnégation, le don de soi, une vision de l’avenir et une certaine technicité. Ce n’est pas rien. Être ministre, c’est aussi avoir le sens de l’Etat, celui de la responsabilité et celui de la gestion des affaires, notamment publiques. Mais ce n’est pas tout, il faut sentir bon tout le temps, être bien sapé, avoir l’air reposé et avoir de préférence un beau sourire et des joues roses. Mais ce n’est pas fini, il faut savoir monter avec nonchalance dans une limousine, se mettre derrière le chauffeur sans paraître nouveau riche, serrer les mains avec distinction, boire avec parcimonie, manger avec classe, parler avec élégance et surtout paraître avoir toujours raison sans gêner ses interlocuteurs.
La « ministrabilité », à ne pas confondre avec la « walitude », la « gouvernitude » ou la «caïdation », est un sacerdoce qu’il faut vivre avec beaucoup de sacrifice, de dévouement, de renoncement et de désintéressement. Mais c’est parfois dangereux comme tous les métiers publics. Les risques les plus fréquents sont la commission d’enquête parlementaire, la cabale de la presse, l’audit intempestif de l’IGF, l’émission de télévision ratée ou la grève de zèle d’un secrétaire général particulièrement autonome, jaloux ou acariâtre. Je ne parle pas du limogeage. C’est une pratique peu usitée dans nos contrées pour être significative. Ni la démission, forcée ou volontaire, d’ailleurs.
D’autres risques, mais mineurs, existent. Comme le chauffeur au retard maladif, le planton maladroit, le citoyen porteur de lettre, le diplômé chômeur insistant ou la secrétaire possessive et rapporteuse. La vie de ministre est une vie en fait dangereuse.
Récemment, et c’est une histoire vraie, un ministre albanais a eu une méchante surprise. M. Pascal Milo, ministre albanais à l’intégration européenne était à Bruxelles. Dans le hall de l’hôtel Renaissance, plusieurs inconnus l’abordent et se mettent à le battre d’une manière uninominale. Une vraie raclée. Il a été battu au premier tour. Sans ballottage. Au tour suivant, l’ambassadeur de ce pays auprès de l’Otan, Ilir Boçka et le porte-parole du Parlement albanais, Skender Duka ont été battus à leur tour à la proportionnelle au plus fort reste. On ne connaît pas encore quel est le vrai mode de scrutin qui a été utilisé, mais il semblerait que dans cette affaire, le taux de participation était assez élevé. Résultat de la consultation : victoire à plates coutures de la démocratie locale et Pascal Milo est hospitalisé pour une grosse hernie fiscale, un épanchement du liquide électorale, un affaissement du quotient de confiance et une démocratite aiguë.
La morale de l’histoire est que des citoyens mécontents sont capables de voyager pour aller à la rencontre de leur ministre. Là où il se trouve. Une forme de citoyenneté ambulatoire qui réconcilie avec le tourisme. Deuxièmement les hôtels de luxe ne sont plus sûrs de nos jours, la qualité de service a baissé. Troisièmement, il faut se méfier de l’Union européenne. Voilà, c’est tout.

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