Editorial

Bréviaire de politologie locale et domestique

© D.R

La politologie marocaine se porte actuellement très bien. C’est une fierté et un honneur pour notre pays. Rares sont les pays de la région où les politologues sont si heureux, si accomplis et si épanouis dans leur exercice de cette science infuse. Chez nous, la transition démocratique en cours, le bilan de l’expérience de l’alternance qui s’achève, les promesses du nouveau règne et la période électorale décisive que nous vivons ont carrément fait exploser l’offre politologique, alors que la demande – seul bémol à noter dans cette belle partition – reste un peu timorée, voire parfois timide.
N’empêche que nos politologues s’éclatent – et c’est un bonheur -, dans le vrai sens de l’expression, selon les périodicités qu’ils ont choisies et surtout selon l’ambition politologique qu’ils portent, chacun selon ses moyens, ses pré-requis, son état d’esprit, son savoir, sa situation matérielle et le point de vue où il se place, conformément à la liberté qu’il se donne en apparence malgré les contraintes de ce métier à haut risque et à la reconnaissance difficile. Mais les émules de Mustapha Sehimi – un ami, père de la politologie marocaine contemporaine – sont nombreux et ils sont très féconds. D’ailleurs, on pourrait s’amuser à les sérier selon la qualité scientifique de leur production et la valeur politologique de leurs écrits.
Il y a d’abord les transgressifs aux analyses décapantes et sans concession. Ils sont le sel de la transition, démocratique ou pas d’ailleurs, eux ils décapent, ils récurent, ils lustrent et ils livrent. Le reste, ils ne s’en occupent pas, ils ne font pas le service après vente. Ils disent «pipi-caca» et tout de suite la foule en délire, fine connaisseuse de ces arcanes-là, les plébiscite. Ils ont osé, ils sont des nôtres, ils ont brisé un tabou comme les autres. Dans ce cas, la chanson sert de quitus et de vision de la société dans une dimension eschatologique, compte tenu de la nature du procédé.
Ensuite, il y a les dissolvants, ceux qui veulent tout dissoudre. Leur prédilection va pour la deuxième Chambre, et la première aussi. Le gouvernement, l’administration, les appareils de l’Etat, les conseils communaux, les municipalités, les fédérations sportives et les clubs de boules. Tout dissoudre, y compris le peuple, le cas échéant. Mais pendant la dissolution finale, dont ils n’annoncent ni le timing ni les modalités, il faut continuer quand même à vivre. Mais ils ne disent pas comment. Ça c’est une coquetterie politologique connue. Nous, on fout le boxon, mais pour le reste, il faut vous débrouiller tout seuls. Viennent après les Ibères. Pour ceux-là les choses sont simples. L’alpha et l’omega de leur science c’est la Constitution. Il faut la changer. Un point c’est tout. Ils ont un modèle, espagnol bien sûr, d’où leur nom, qu’il faut importer. C’est clair, net et précis.
Juan Carlos ou le chaos. Comme il y a peu de chance que Juan Carlos, occupé avec sa famille et ses petits-enfants, les suive, ils sont prêts à se contenter du chaos pour lequel ils oeuvrent avec persévérance et opiniâtreté. Ils sont les plus attachants car leurs élans politologiques, malgré leurs maladresses souvent liées à la complexité du modèle et à un certain amateurisme, ne sont pas dénués de sincérité feinte.
Finalement, il y a le complexe des sécuritaro-industriels. Ils sont crypto-makhzéniens parce que eux, ils savent de quoi ils parlent, à cause d’une fréquentation longue et assidue du Makhzen chérifien qui s’est souvent soldée par un désamour et un dépit affectif qui a mis en faillite, au sens propre, leur relation. Dans tous les couples du monde, les scènes de ménage les plus dures surviennent quand, justement, l’argent vient à manquer. C’est fatal. Une longue vie en commun, et la connaissance intime de l’autre qu’elle sous-tend nourrit les insultes les plus mortifiantes. Et pour cause. Cette catégorie-là de politologues finit toujours dans la transgression, et de ce fait et objectivement, rejoint de facto et illico presto la première catégorie que nous avons déjà présentée. Ainsi, comme vous pouvez le constater, la boucle est bouclée. Vraiment ?

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