Editorial

Carnet de campagne (2)

© D.R

Que fait un candidat pour s’assurer que l’électeur qu’il vient de soudoyer va effectivement voter pour lui ? Il le fait jurer sur le Coran. Il fallait y penser et il paraît que c’est très en vogue. «Je jure sur le Coran et devant Dieu de voter pour vous le jour du scrutin. Je ne vous trahirai point et j’honorerai le pacte aujourd’hui scellé entre nous». Avec ça, le type est en boîte. Il met les billets dans sa poche. Et part chez l’autre candidat. Re-billets. Re-Coran. Et ainsi de suite.
Dans cette affaire, il n’y a que les parjures qui trouvent leur compte. Et Dieu et le candidat un peu moins. Car ce qui se passe, c’est que les petits malins se sont fait délivrer des fetwas clés en main par des oulémas de proximité. Ils leur ont dit en substance que le plus important est d’être sincère avec vos candidats au moment précis où vous jurez. C’est-à-dire au moment où quelqu’un profite de votre pauvreté pour vous soutirer un engagement. Dans ce type de serment, l’argent que vous avez empoché est licite, c’est l’engagement qui ne l’est pas. Prenez leur argent mais pour avoir, le jour du vote, la conscience complètement tranquille, votez pour le PJD. La nature de l’idéologie et la proximité supposée avec Dieu de ce parti peuvent intercéder en votre faveur auprès du Tout Puissant et amoindrir, voire annuler, la faute commise. Amen.
Voilà comment des candidats peu regardants, en une seule fois, se mettent à dos Dieu, la démocratie et les croyants. En outre, ils financent directement les islamistes qui, comme chacun sait, font du monopole terrestre de la fetwa un fonds de commerce divin.
Maintenant, tous les candidats ne sont pas logés à la même enseigne. Il y en a qui sont plus propres. C’est le cas du fils d’un ex-cheikh candidat à Taourirt. Lui, contre une promesse de vote, il offre au vu et au su de tout le monde le gîte, le couvert et surtout un hammam gratuit. Le gîte et le couvert, c’est connu. On ne va pas revenir dessus. Mais le hammam est une trouvaille à l’hygiène intellectuelle irréprochable. Reste que, entrer au hammam ce n’est pas comme en sortir. C’est une question d’état d’esprit.
Un autre candidat à Jérada, celui-ci, qui roule sous la bannière du cheval, distribue sous la barbe des autorités farine, ciments, clous, bois, marteaux, cageots, vêtements, espadrilles…un vrai bazar de l’Hôtel de ville. Personne ne s’en émeut même quand ses adversaires de l’USFP, du PPS, de l’Istiqlal, du PSD, du GSU écrivent au gouverneur, à Brahim Boufous et à Driss Jettou. Une forme d’écologie particulière semble favoriser les agissements de cet humaniste qui est même prêt à recycler dans la campagne électorale les dons offerts à l’orphelinat local par la Fondation Mohammed V. C’est fort, ce monsieur est une campagne de solidarité à lui seul.
Pour finir, un petit détour par la noble province de Khouribga. Elle vit au rythme de la continuité. Nous savons tous que les hommes ne changent que si Dieu change ce qu’il y a dans leur coeur. C’est la même chose pour les élections. À Khouribga, les choses ne changeront pas, même si la famille Jalal Essaid ne se présente pas aux élections que si le gouverneur change le coeur de la DAG. Quand on passe trop de temps à un poste, la chair, comme on dit joliment chez nous, fraternise. Et cela ne fait certainement pas de bonnes élections. L’accident génétique est vite arrivé.
(À suivre)

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