Editorial

De la capacité d’indignation

© D.R

La relance de l’économie marocaine est une nécessité impérieuse. Toutes les réformes qui doivent concourir à cette relance doivent être faites dans les meilleurs délais. Que cela soit au niveau de l’investissement, de la fiscalité, de la justice ou des procédures administratives, tout est devenu urgent tellement la faiblesse, désormais structurelle, de la croissance obère dangereusement le climat politique et social dans le pays.
S’il est demandé au gouvernement d’occuper le terrain et d’améliorer la visibilité de sa politique ,c’est justement pour que rapidement s’instaurent des rapports de confiance au sein des opérateurs économiques. Il n’est nullement question, ici, de faire un procès en sorcellerie au Cabinet de Driss Jettou ou de l’accabler avec des procès d’intention mais il s’agit de transformer dans les faits, sur le terrain, l’accueil positif unanime qui a entouré le nouveau Premier ministre aux lendemains de sa nomination et les qualités que lui prête l’opinion publique marocaine.
Il ne s’agit pas pour nous – ce n’est pas notre rôle – de décréter unilatéralement la fin de l’état de grâce dont bénéficie «légitimement» le gouvernement, mais la conjoncture particulièrement difficile que traverse notre pays ces derniers temps nous impose le devoir moral de tirer la sonnette d’alarme.
La radicalisation du fait criminel intégriste, la pression terroriste internationale, et l’imminence de la guerre américaine contre l’Irak créent incontestablement chez nous une situation objective de régression qui, si elle n’est pas contrebalancée par un activisme gouvernemental, tous azimuts, sur l’ensemble du front des réformes, peut occasionner à notre pays des dommages irréversibles. Cette perception aiguë des choses n’est pas une vue de l’esprit. Loin de là, elle constitue, actuellement, une des préoccupations majeures de l’opinion publique. Sans un regain solide, sérieux et visible à tous les niveaux, nous risquons de nous enliser et de polariser à l’extrême tous les maux dont souffrent à la fois notre économie et notre société.
Il est consternant de constater que les partis politiques, qui constituent l’actuelle majorité sur laquelle s’est adossé le gouvernement, sont non seulement absents du terrain mais silencieux, pour la plupart, sur les grandes questions qui taraudent l’esprit des Marocains. Ni sur la dérive criminelle intégriste, ni sur les réformes structurelles, ni sur la relance économique, ils ne produisent un discours audible. Ils agissent comme s’il était naturel que seul Driss Jettou devait être personnellement attendu sur les réformes et que seuls les services nationaux de sécurité étaient strictement intéressés par la radicalisation criminelle de la nébuleuse. Or, au moins sur ces deux sujets majeurs, la nation toute entière doit être interpellée par le biais de grands débats et de grandes discussions animés notamment par les partis politiques et leurs dirigeants. Il n’existe rien de tout cela. L’autisme de la société est entretenu dangereusement par l’autisme de la classe politique.
Alerter, dénoncer, révéler, informer, c’est la mission salutaire et naturelle qui est dévolue aux organes de presse quand ceux-ci s’inscrivent dans une logique véritablement patriotique. Mais quand cette démarche trouve peu d’écho auprès des responsables des politiques publiques, la seule marge de manoeuvre qui reste est l’indignation. On y est, mais ce n’est nullement un horizon exaltant.

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