Editorial

Éditorial

SM le Roi Mohammed VI a le temps pour lui. Il en est au début de son règne. Et le temps de la monarchie n’est pas forcément celui du temps politique qui sert à mesurer les urgences, les ambitions et les projets. Ce propos liminaire qui est, en fait, un cadre méthodologique assez faible, permet de relativiser ce qui vient, en récurrence, ces derniers temps sous le vocable de bilan. Une décade dans un règne est à la fois assez signifiante pour poser un mode de gouvernance — comme on pose un postulat —  et insignifiante au regard de ce qui peut être accompli sur la durée et surtout au regard d’une société aux besoins mondialisés et avide de transformation, de bien-être et d’épanouissement. Le défi marocain réside dans ce paradoxe entre la gestion de l’urgence notamment sociale et la gestion du temps forcément politique. Deux horloges différentes et un seul horloger. Un volontarisme socio-économique qui a fait ses preuves. Le Maroc a accompli en dix ans ce qu’il n’a pas pu faire en 50 ans. Une mise à niveau politique et institutionnelle qui, à ce jour, se fait attendre alors que lors du règne précédent, celui de Hassan II, il y avait une frénésie expérimentale certaine dans ce domaine. Il est clair que les réformes constitutionnelles n’ont jamais nourri personne mais l’on ne peut — une dérive latine — dans une société qui aspire à la démocratie et à l’Etat de droit opposer durablement l’efficacité économique à la réforme politique. Elles devraient aller de pair. Soyons réalistes! La monarchie de SM Mohammed VI est, dans ce pays, la seule institution qui marche correctement et autour de laquelle il y a un véritable et profond consensus. Mais cela reste une affaire d’une personne, c’est-à-dire le Monarque. Or, Mohammed VI est justement un Roi véritablement populaire, sincèrement aimé et résolument compatissant envers les plus faibles et les plus démunis. Un atout considérable qui devrait favoriser, à terme, la mise à niveau des  autres institutions du pays qui sont à l’évidence en panne, faute de crédibilité, de personnel qualifié, éthiquement et professionnellement, et de feuille de route suffisamment lisible et claire. Généralement dans notre pays quand on pose le problème de la mise à niveau politique, on pense à deux choses. La réforme de la Constitution en opposant le pouvoir du Roi aux autres pouvoirs qui n’ont pas encore atteint le degré d’autonomie requis en démocratie. Ou la création ex-nihilo d’un nouveau parti politique quitte à brutaliser l’Etat, un peu consentant, pour libérer la place au nouveau venu dans l’échiquier politique. La gauche a pendant des décennies agité le premier spectre, constitutionnel, sans succès. Les avancées qui ont été accomplies dans ce domaine, notamment celles du 13 septembre 1996, n’ont pu se réaliser que dans un cadre consensuel entre la monarchie, la volonté de Hassan II, et le mouvement national dans son ensemble.
Par contre la deuxième idée, celle du bricolage partisan, la création de formations politiques de substitution — pour obtenir une mise à niveau rapide sans payer les coûts politiques y afférents — en dehors des mouvements sociaux authentiques, a toujours été développée par des personnalités se mouvant dans le sillage du Palais : 1978, 1983, 2008. L’une et l’autre posture, en résonance parfaite, même si c’est en creux, ont retardé la marche politique du Royaume. A la revendication lapidaire et politicienne — sans de véritables ressorts sociaux — de limitation des pouvoirs de la monarchie répond invariablement une manœuvre tout aussi politicienne de «formatage» du champ politique national, en marge de la démocratie, par une nouvelle création partisane censée drainer une nouvelle élite, de nouvelles idées, etc. C’est un jeu à somme nulle. SM Mohammed VI est, dans la prochaine décennie, attendu dans ce domaine avec un modèle politique nouveau. On ne peut, décemment, lui imputer les dernières agitations du microcosme politique, comme dirait Raymond Barre, dans ce domaine. On peut même dire, si on accorde foi à l’aversion que l’on lui prête pour la politique politicienne, que les choses ont parfois évolué à ses dépens puisque d’aucuns ont voulu le mêler à des expérimentations hasardeuses. Le modèle politique nouveau de Mohammed VI naîtra conformément à l’esprit du mode de gouvernance qu’il a développé pour signer les avancées de la première décennie de son règne. L’attachement sans faille à l’impartialité de l’Etat contre les clans, les factions et les lobbies clientélistes. La consolidation de l’Etat de droit. L’enracinement de la démocratie. Et la promotion des droits humains contre toutes les tentations régressives ou obscurantistes.

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