Editorial

Éditorial

«Il faut une monarchie parlementaire pour le Maroc.» Quand on dit cela, a-t-on tout dit ? Non, à l’évidence. Cette affirmation ne veut rien dire sur le plan politique. L’invocation d’un état idéal, ici un régime qui allie la continuité historique de la Nation et les aspirations du peuple à la démocratie, ne produit pas immédiatement, ou instantanément, une réalité possible. En politique, même arabe, cela se passe autrement. Dans le cas marocain qui n’est pas, franchement, «révolutionnaire»,  il y a une double revendication provenant essentiellement des jeunes du 20 février, aujourd’hui, et des élites, hier, qui veut en même temps une monarchie moderne et une démocratie aux standards internationaux. Qu’en pense le peuple? On n’en sait trop rien. Les relais sont en panne. Ils ont été cassés. Hassan II, sur cette question, aurait joué un référendum, et aurait renvoyé, même à 51% et avec des observateurs internationaux, dos à dos tous les protagonistes. Au motif d’interroger le peuple sur l’avenir légitime de ses institutions, il aurait  produit un plébiscite personnel qui aurait clos le débat. Les temps ont changé et on n’en est plus à ce type de manœuvres. Aujourd’hui, la situation est peut-être un peu confuse mais certainement prometteuse. Posons quelques axiomes. 1)L’institution monarchique est un acteur légitime et central de la vie politique de la Nation. Elle fédère en un très large consensus toutes les couches de la société, ce qui génère une réelle stabilité et une certaine quiétude. 2) L’institution monarchique s’est engagée depuis 15 ans dans une transition vers la démocratie qui a élargi le consensus national mais qui n’a pas encore produit tous ses résultats notamment sur le plan de la gouvernance (transparence, corruption, rentes…), sur le plan social (égalité des chances, népotisme …) et sur le plan politique (rabaissement des acteurs, refus des contre-pouvoirs, marginalisation des élus…). 3) Dès le début du règne de SM Mohammed VI, la monarchie marocaine se voulait exécutive. C’est-à-dire qu’elle a choisi d’entreprendre, pour sauver le pays de la «crise cardiaque», des tâches de gestion, de réalisation ou de réforme que d’autres instances de nature constitutionnelle ne faisaient pas ou faisaient très mal. Le succès était au rendez-vous. La croissance revenait, les projets sortaient du sol, le PIB croissait. Mais sur le plan social, des effets d’éviction ont eu lieu et sur le plan politique le compte n’y était pas car pratiquement tous les acteurs étaient hors-jeu et voyaient le match se jouer sans eux. Le peuple applaudissait. Il était tellement heureux qu’il ne voyait plus d’intérêt à aller voter lors des élections. La vitesse d’exécution était tellement importante que tous les acteurs politiques se sont arrêtés sur le bord de la route incapables de trouver des ressources propres pour envisager l’avenir. En gros, c’est cela la situation d’aujourd’hui. L’on voit bien, dans ce contexte précis — le rappel des étapes était bref mais utile — que la revendication de la monarchie parlementaire appelle trois choses simples: un reflux de la monarchie exécutive sur ses fondements et ses fonctions historiques légitimes de régulation et d’arbitrage, une restauration des autres pouvoirs constitutionnels en veillant à leur séparation rigoureuse, et, enfin, mettre de l’éthique dans les affaires et dans la gouvernance du pays en prônant un état impartial, juste et irréprochable. Maintenant que cela est dit inversons la logique. Pensez-vous que le mouvement du 20 février est assez légitime, fort et populaire pour, sans l’appui de la classe politico-syndicale, armé seulement de Facebook et Twitter, pousser la monarchie à faire des concessions substantielles. Je ne le pense pas. Pensez-vous, par exemple, que notre ami Nouredine Ayouch, un publicitaire proche du sérail, qui se voit personnellement  comme un conseiller de l’ombre du Souverain, et qui s’est donné pour mission de sauver la monarchie, réussir, à lui seul, par une interview opportune dans la presse à pousser le Roi à régner sans gouverner? Je ne le pense pas non plus. On peut multiplier les exemples de cette nature à l’infini, mais ce n’est pas cette piste, elle est fausse, qui fournira les réponses. Le rapport de force est la base du fonctionnement de la vie politique. C’est cela le moteur de l’Histoire. C’est dans la vie politique nationale avec ses acteurs légitimes, tous, que l’on trouvera les réponses. Pas ailleurs. Là on parle de changer le pays, de le réformer, de construire une démocratie et non pas rentrer dans les errements destructeurs tunisiens, le tour de passe-passe égyptien, un jeu de dupes, ou, pire, «l’irakisation» de la Libye. On parle, nous, du Maroc et du parachèvement de sa transition démocratique. A ce moment là du raisonnement, il faut être très clair. Il faut rendre le Roi à la Nation. Il faut que les racines qui irriguent la Nation retrouvent le chemin du Souverain sans filtres intéressés, sans entourage arrogant et sans intermédiaires prédateurs. Il faut rendre aux Marocains leur Roi qui portait l’espérance de la transition démocratique et qui en a été détourné par un environnement immédiat qui pense — dans un jeu d’intérêt personnel absurde —que la monarchie marocaine se suffit à elle- même et qu’elle n’a pas besoin de la Nation avec ses corps intermédiaires vivants et agissants. Non, la monarchie marocaine a besoin des Marocains!  Au Maroc, il faut reprendre les choses là où on les a laissées en 2002. Reprendre le fil de la transition. Redevenir avec SM. le Roi Mohammed VI des partenaires loyaux de la construction de la démocratie dans l’intérêt supérieur de la Nation. Restaurer la dignité du travail politique. Construire une vie parlementaire respectable. Donner au gouvernement une identité. Protéger la justice contre elle-même. Libérer la parole en inventant un avenir honorable, loin des indignités actuelles, à la presse, aux radios et à la télévision publique. Cassons l’autisme dans lequel des intérêts illégitimes et souvent personnels veulent enfermer le pouvoir au Maroc. Chassons les démons du machiavélisme à courte vue. Ouvrons nos fenêtres à l’air du large, respirons l’air de la démocratie authentique loin des expérimentations hasardeuses. C’est le seul avenir possible pour nos enfants. Nous en avons le rêve, la volonté et les moyens. Seuls les grands peuples sculptent leur destin avec confiance et sérénité. Ils réussissent mieux à le faire avec de grands rois. Vive SM Mohammed VI.

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