Editorial

Eloge de l’intelligence arabe

© D.R

Ce Ramadan, quoi que l’on dise se passe calmement. Vingt-cinq jours tranquilles à peine perturbés par le léger clapotis des gorgées de soupes chaudes qui nappent la gorge à l’heure du ftour. La douceur d’une datte «inconnue» et pulpeuse farcie de beurre beldi qui adoucit l’acidité de la privation.
Le croustillant d’un gâteau au miel imbibé avec générosité qui ne sait pas s’il doit se ramollir pour plaire au palais ou s’il doit renforcer sa «croustillance» pour continuer à étonner et à surprendre notre goût pour les choses simples, populaires mais raffinées. Ou, finalement, la saveur rassurante et définitive d’un café arabica certes, mais dont la robustesse vous invite sur le champ à mettre le cap sur Zanzibar pour se dissoudre dans une ivresse «pastel» et épicée qui vous fait croire au paradis de Dieu avant de rencontrer la foi.
Oui, ce Ramadan est douceur, plaisir et piété. Entre deux repas copieux, et parfois un peu gras, mais rien ne l’est quand on désire se rapprocher de l’Eternel, l’Islam dans sa plénitude sourd de nos entrailles enfin rassasiées pour nous inviter à la compassion, à la charité et au don de soi à Dieu, à son épouse, à sa famille et aux autres.
Seul un rot, sec mais respectueux, vient quand même, de temps en temps perturber cette communion à la fois extatique et contrite.
Que serait le Ramadan sans le cake ? Cette métaphore de la vie : de la fécondation des champs par la pluie et le soleil, à la farine.
Des semailles par des mains honnêtes et prudes à la poudre d’une subsistance heureuse. Un hymne explosif à l’amour.
Le ventre comblé ne fait-il pas chanter les neurones dans un hymne sublime à la satiété? Qui aurait pensé un jour que le cake du mois de Ramadan serait l’aboutissement du désir licite d’un jeûneur fidèle et la consécration, peut- être dérisoire, d’une volonté de rompre avec des pâtisseries disponibles mais moins spirituelles et volubiles, mais moins porteuses de sens gastronomique.
La gastronomie, cet art éminemment arabe de sonder les cieux culinaires, d’étudier les galaxies de saveurs, les trous noirs des appétits, et les constellations de goûts.
L’Arabe est fin, gloire à Dieu. Pour ceux et celles qui en doutent, ils n’ont qu’à voir son raffinement face au bonheur fugace, aux plaisirs fugitifs, et face à l’adversité durable.
Ce trait de culture indélébile le classe parmi les races supérieures qui se moulent dans le malheur comme un cake dans justement un moule de porcelaine rare.
L’Arabe peut vivre la guerre du Golfe sans coup férir. Il continuera à passer ses vacances à Marbella. Les années 1948, 56, 67, 73… peuvent passer, l’Arabe fera toujours sa cure à Vichy ou à Contrexéville. Sa promenade à Cannes ou son shopping à Londres.
L’Arabe est voyageur, d’ailleurs ne dit-on pigeon voyageur ? Rien ne l’arrête. Saddam gesticule, plastronne et gronde et finalement, il se fait rectifier le présent et l’avenir, mais cela n’a jamais entamé la sérénité d’un Arabe. Prenez, récemment, Oussama Ben Laden, il a juré, craché, moulu deux tours, consommé quelques martyrs, rendu à la poussière des milliers d’innocents, parlé à la vidéo, logé dans une grotte, fanfaronné, sympathisé avec Omar le mollah borgne au turban noir, mais à la fin rien n’a marché. Les Taliban sont devenus des hariban (fuyards).
Une déroute mémorable, une raclée sidérale et finalement une fuite à travers le moyen âge ; des grottes et des crottes de biques (à propos de crottes de bique, il y a pour le ramadan, chez LP, à Casa, un excellent cake qui s’appelle selles de chevreuil, ça vaut le détour) Pensez-vous que cela a perturbé notre Ramadan ? Rien, l’Arabe est stoïque et les plaisirs de la vie, ici-bas, le détournent suffisamment des velléités guerrières des peuplades primitives.
Lui, il est raffiné, c’est pour cela qu’il nage dans le sucre. Avez-vous goûté à une crêpe beghrir finement imbibée de beurre beldi et arrosée avec douceur d’un miel de lavande, saupoudrée de noix de brésil et de noix de cajou? C’est une vraie prière andalouse.

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