Editorial

Fragrances diaphanes

© D.R

Casablanca est tétanisée. La peur se lit sur les visages. L’inquiétude marque les comportements. Et une angoisse de plus en plus palpable enveloppe les citoyens. Mais qu’est-ce qui se passe? Quelle calamité s’est encore abattue sur la ville blanche ? Après les inondations automatiques, les taxis blancs fous, les pickpockets voyous, les élus ripoux, le découpage fécond, les vendeurs de sandwichs à la tire et les taxis rouges de honte, quel drame a encore frappé la capitale intellectuelle et spiritueuse du royaume ?
Casa doute-t-elle d’elle même à ce point ? A-t-elle peur de l’avenir radieux qui va la saisir à la nuque avec ses crocs électoraux ? Ou s’est-elle tout simplement assoupie, lascive et comblée comme une pensionnaire du Balcon après une soirée d’agapes agitées et frénétiques qui fleurent bon les fins de mois qui tombent un week-end ? Peut-être.
Mais le malaise est réel. Casa est tellement complexe. Ce n’est pas Rabat, du tout. «Rabat utérus magique où le rêve est permis» a écrit cette semaine un confrère, poète à ses heures. Il a même ajouté : «Féminité éternelle. Un triangle, star-gate qui ouvre et donne accès à la dimension du un.», mais que mon confrère m’excuse, Rabat est une capitale administrative. La poésie, c’est Casa qui l’inspire, écoutez-voir : « Casa matrice féerique qui autorise tous les songes. Une nymphe ouverte sur l’éternité. Un carré de lumière, porte du ciel, qui célèbre l’unicité du un. » Alors ? Hein, c’est costaud, aussi ! On ne va pas se laisser faire, pardi ! Alors je disais, excusez le quart d’heure poétique mais il fallait le faire, que Casa est en émoi. Les habitants de la ville ont appris que les éboueurs vont entrer dans une grève illimitée après la fête de l’Aïd el Kébir. Fête incluse. Vous voyez d’ici la situation. De ville propre, immaculée, suisse, Casa va passer à une ville envahie par les ordures, les rats, les cafards, les immondices et les détritus. C’est insupportable. Non. « Parfums grimoires millénaires, manuscrits où le sentir se substitue au lire » a chanté au sujet de Rabat notre poète de confrère.
À Casa nous dirons : « Odeur, malheur, ô Détritus, dieu des immaculés. Nous sentons votre force éternelle, vos effluves sacrées et vos saintes exhalaisons. Écrivez notre histoire à l’encre épaisse de nos yeux qui vous aiment à mourir, avec la liqueur diaphane de nos entrailles fumantes et avec nos zéphyrs légers à la fragrance matinale et pestilentielle. Galimatias, amphigouri et pataquès. »
La grève des éboueurs est une colère des dieux. Le problème est que dans une ville d’ordinaire sale, elle risque de passer inaperçue. Nous ne savions pas que les éboueurs existaient. Sur le plan syndical, leur grève est une sale affaire. Elle risque de démontrer leur inutilité, car leur arrêt de travail peut ne pas se faire sentir. Surtout que Casa pue tout le temps. «Alphabet fait de frémissements de narines, d’yeux à demi clos et bruits silencieux. » a dit justement le poète de Rabat. Je n’y ajouterai rien sauf peut-être un petit pet pour le plaisir.

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