Editorial

Gastronomie électorale

© D.R

Cela fait vraiment plaisir. Et c’est normal. On commence à avoir de plus en plus d’informations sur les tricheurs qui tombent sur le front de la transparence électorale. Les rabatteurs, les filous, les dîneurs, les tuyauteurs, les barons, les bourreurs de mous, les fileurs de billets, les traiteurs, les généreux louches, les distributeurs de farine, les faiseurs de fausses campagnes de solidarité… enfin, ces joyeux drilles peuvent commencer à s’inquiéter. On nous a promis des nouvelles régulières sur leurs pratiques.
Déjà les premières nouvelles du front ne sont pas tristes. La plus drôle, c’est l’arrestation d’un cheikh, un agent d’autorité assimilé, à la sortie d’un dîner électoral organisé par un candidat nourrisseur. Même si ce cheikh avait faim, et ça, on peut le comprendre, il n’avait pas à se jeter comme ça sur la pitance électorale. La faim, certes, justifie les moyens, mais il ne fallait pas se tromper de menu. Il ne faut pas confondre le bulletin unique avec la pension complète.
Le cheikh alpagué peut toujours aller digérer son malheur dans un isoloir approprié ; il a foutu en l’air sa dernière carte, électorale bien sûr.
Quant aux deux caïds de Béni Mellal qui sont tombés pour le même motif alimentaire sur le champ d’honneur de la tambouille électorale, ceux-là, on ne leur dit rien. Sauf que ceux qui les ont désignés à ces postes doivent à l’avenir leur expliquer que quand un caïd joue au vulgaire mokadem affamé en période électorale, ce sont les enfants du mokadem qui sont malheureux. On leur enlève du pain de la bouche.
Mais le plus dramatique et le plus étonnant dans toutes ces affaires, c’est que, pratiquement, tout tourne autour de la bouffe. C’est intrigant. On peut comprendre que la campagne électorale, par les efforts qu’elle demande, donne faim, mais pas à ce point. Que les agents d’autorité, qui ont en général des grades d’officiers de réserve, avec une formation militaire complète, se rendent sans combattre avec armes et bagages devant la puissance de l’arme alimentaire est une faille énorme dans leur cursus. Ils apprennent tout en uniforme à l’école de Kénitra : droit, économie, finance, etc. Mais ils ne résistent pas à un tagine bien relevé, à un couscous bien doté ou à un méchoui bien grillé.
C’est désolant. Driss Jettou devrait d’urgence revoir ce programme en y introduisant des cours de résistance gastronomique organisée par Rahal. À dix par table, ils devront apprendre à résister au passage d’un menu fait de dix plats succulents concoctés par le maître traiteur sans bouger la moindre babine. Des notes obtenues dans cette discipline terrible dépendra, plus tard, leur capacité à résister aux stratégies alimentaires des candidats.
On ne peut pas laisser la transition démocratique et son pendant électoral nécessaire être bêtement contrariés par de sombres histoires culinaires comme si le noble et vertueux métier de caïd ne nourrissait pas, en temps normal, son homme. Si ça continue comme ça, il faut impérativement prévoir les prochaines échéances électorales pendant le mois de Ramadan. Comme ça, il n’y aurait plus de problèmes. Au moins pour les déjeuners de midi. Quant aux dîners, seul Dieu pourra reconnaître les siens.

Articles similaires

EditorialUne

Les clients du futur

En déclinant promptement et clairement une offre en matière d’hydrogène vert, récemment...

EditorialUne

Consommer sans gaspiller

En cette période de Ramadan, parmi les sujets qui reviennent le plus...

EditorialUne

Sociologie des stades

Les pouvoirs publics semblent cette fois-ci décidés à s’attaquer sérieusement au fléau...

Editorial

Aéroports vitrines

Dans les six années qui viennent, le Maroc aura de nombreuses échéances...