Editorial

Géopolitique aznarienne

© D.R

Pour clore notre semaine espagnole aux couleurs d’Aznar, dans une marée d’articles de presse unanimement et résolument anti-marocains, nous avons choisi à l’intention du fan-club local de José Maria Aznar, un édito, et un seul, publié le 10 décembre 2003, par le respectable hebdomadaire aznariste «El Semanal» sous le titre «Bonnes nouvelles du Maroc.» Un morceau d’anthologie ou, si vous voulez, un manuel de bon voisinage , dont les idées sont très répandues, dans une Espagne chauffée à blanc par le Parti Populaire. «Le Maroc a appris la leçon de Perejil (îlot Leila), mais nous devons tous nous la rappeler pour qu’il ne soit pas nécessaire de la répéter. Les accords signés seront réalisés si le Maroc sent qu’il y a de la fermeté. La visite de José Maria Aznar et des ministres les plus représentatifs du gouvernement au Maroc est un événement important de notre politique extérieure. Le Maroc, notre voisin du Sud, est l’aiguille de la balance dans laquelle on mesure le succès ou l’échec des relations internationales de l’Espagne. Quand le Maroc s’éloigne de l’Espagne, c’est-à-dire, s’il trouve des alliés plus forts et se considère dans la possibilité de faire une politique contraire aux intérêts de notre pays, l’Espagne est faible dans le monde. Quand l’Espagne et le Maroc maintiennent des relations cordiales, ou bien quand la force et le prestige de l’Espagne sont capables de garantir nos intérêts au sud du Détroit, les choses vont bien. Les deux dernières possibilités ne sont pas nécessairement alternatives, mais, précisément, elles ont tendance à être unies. Le Maroc est mieux disposé à s’entendre avec l’Espagne quand celle-ci est forte, a des alliés forts et a donné des signaux clairs d’être disposé à défendre sans hésitation ses intérêts. Ceci a été ainsi, au moins, pendant les trois derniers siècles, et le sera probablement durant le 21è siècle. Et les faits sont là pour le démontrer. Lorsque l’Espagne a maintenu un profil bas et soumis, hérité de la pire lecture du franquisme souriant de Solís ou du défaitisme incarné par Fernández Ordoñez, le Maroc a fait ce que sa Maison Royale absolutiste a voulu. Les conséquences de ce complexe européen d’infériorité ont été toujours négatives pour l’Espagne : une longue guerre dans le Rif, un retrait honteux dans le Sahara Occidental, l’abandon de nos droits dans la pêche. Perejil a été une tentative d’aller plus loin en croyant qu’Aznar était un oiseau passager et que régneront les peurs felipistes (relatives à Felipe Gonzalez). Le Maroc, comme tout voisin instable, comprend bien le langage de la force et de la dignité. C’est seulement sur cette base que l’on peut négocier avec succès à Marrakech, et Aznar le sait bien. Seulement, avec l’opération militaire réduite mais effective de 2002, unie à l’appui américain renouvelé et à la faiblesse structurelle de la France, l’Espagne a pu obtenir de son voisin ce qu’elle souhaite légitimement. Et l’Espagne a besoin de quoi ? Essentiellement, de la sécurité. Tolérance-zéro avec les drogues, tolérance-zéro avec le trafic d’esclaves, tolérance-zéro avec le terrorisme. Parallèlement, du respect. Respect pour nos intérêts commerciaux et culturels, et respect pour nos anciens sujets sahraouis. Les accords signés seront appliqués, et il y en aura d’autres meilleurs, si le Maroc sent qu’il y a fermeté, s’il n’est pas capable d’acheter à nouveau une partie de l’opinion politique espagnole, et s’il n’y a pas de fissures spécialement dans le PP (Parti populaire). Le Maroc a appris la leçon de Perejil, mais nous devons tous nous la rappeler pour qu’il ne soit pas nécessaire de la répéter dans une escalade. » Si on rapporte ce texte à l’échelle de l’Histoire, on constate rapidement que le genre est connu, l’argumentaire usé et la rhétorique surannée. Nous nous trouvons , justement au 21è siècle, plongés dans une littérature coloniale du 19ème avec toutes les caractéristiques scientifiques que les universitaires marocains ont identifiées depuis fort longtemps. Quant aux supporters marocains de la vieille Espagne, ils s’accommoderont avec leur conscience, s’ils en ont une. Dans le meilleur des cas leur naïve générosité sera ressentie au-delà du Détroit comme une posture capitularde pure produit d’une lâcheté congénitale. Ils savent bien, eux, comment il faut traiter les Moros …

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