Editorial

La colère des hommes

Après la colère de la terre vient la colère des hommes. Sans toits, déshérités, hagards sous les morsures du malheur, du froid et de la faim, les sinistrés déversent leur révolte confuse sur tout ce qui a, de près ou de loin, un rapport avec les officiels.
Les lendemains de tremblement de terre se ressemblent partout dans le tiers-monde. Le séisme emporte des vies, mais rarement la misère qui leur servait de cadre. Bien au contraire, il l’aggrave en la noyant dans la douleur, celle immense et solitaire de la perte d’êtres chers .
Les sinistrés ont besoin dans l’urgence qu’on leur restitue un peu de leur dignité perdue par des secours soutenus. Une tente, une couverture, un toit de fortune. Ils ont aussi besoin d’une aide alimentaire consistante et distribuée d’une manière ordonnée et efficace. Le séisme d’Al Hoceïma a frappé une région pauvre, enclavée et dont les nerfs des habitants sont à fleur de peau, convaincus qu’ils sont que le sort est injuste et que le destin qui les frappe est cruel. La colère spontanée et légitime de cette population répond à la colère de la terre qui s’est dérobée sous leurs pieds. Pillage, anarchie, et fronde dans une situation de crise humanitaire n’ont jamais permis à des secours de s’organiser utilement et ne permettent pas, non plus, à la solidarité de s’exprimer d’une manière optimale.
L’aide nationale et internationale est là en abondance. Les sinistrés le savent. Mais ce qu’ils ne comprennent pas toujours, et leur impatience est aussi compréhensible que légitime, ce sont les problèmes difficiles de logistique qu’il faut résoudre pour que ces aides puissent leur arriver dans de bonnes conditions. Etat des routes, météo, faible capacité de l’aéroport, enclavement… Bref, des problèmes malheureusement connus dans cette région que le drame n’a fait que polariser.
La population d’Al Hoceïma a doublé. Tous ceux qui sont dehors ne sont pas tous sinistrés. Mais ils ont tous peur, et cela se comprend, des répliques et refusent de rejoindre leurs habitations. De fait, et objectivement, ils deviennent tous éligibles à une aide d’urgence dont la mise en place est obérée à la fois par des difficultés réelles, mais également par l’impatience d’une population qui n’hésite pas, tout à son malheur, à détourner, par la violence, une aide de sa destination ou à piller, dans l’anarchie, des camions.
Dans une région sinistrée, les impératifs du maintien de l’ordre font partie du système d’aide d’urgence à mettre en place. Or, les forces de l’ordre sont confrontées à la colère d’une population meurtrie, qui peut facilement sombrer dans l’anarchie et réduire, par cette attitude, les soutiens dont elle peut bénéficier. C’est cette équation qui est en train d’être résolue sur le terrain.

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