Editorial

La France de nulle part

La démission du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy ne réglera aucun des  problèmes de fond que posent les émeutiers de banlieue à la république  française. Le mal français est plus profond, plus insidieux  et plus grave.  Quand la république ne peut plus assumer les  valeurs qui l’ont fondée face à sa propre diversité, c’est que la panne, notamment politique, éthique et morale, est générale. Désormais, ce n’est plus une question de colmatage, de pis-aller ou de professions de foi  aussi  enflammées qu’opportunes.
Dix millions de citoyens français sont exclus. Relégués dans des banlieues sordides, ils sont livrés à tous les marchands de haine et de désespoir. Ces Français sont convaincus qu’ils n’ont aucune chance de sortir de leur condition uniquement parce qu’ils sont ce qu’ils sont. Des Français certes, mais de mauvaise extraction puisqu’ils ont le tort inexpiable d’être d’origine arabe ou africaine, ou d’être musulmans. Des qualités ou des attributs complètement démonétisés sur le marché secondaire des valeurs républicaines.
Ils n’ont pas de représentants au Parlement. On les représente. Ils ne gèrent pas de ville. On les gère. Ils n’ont pas de cadres. On les encadre. Ils ne sont nulle part dans la vie institutionnelle du pays, justement, parce qu’ils n’existent pas. Ce n’est pas l’intégration qui ne marche pas, c’est elle-même une supercherie car elle se fonde sur la négation de la citoyenneté. C’est, en fait, le modèle politique lui-même qui est en cause car il n’a pas prévu cette évolution de la société française uniquement parce qu’il n’a pas été fait pour cette catégorie imprévue ou improbable de la population. 
Tout le monde a manipulé ces Français obscurs. Ils ont servi de marqueur entre l’extrême gauche utopique et totalitaire et la gauche de gouvernement noyée dans les compromis, entre la droite républicaine honteuse et la droite extrême au fascisme flamboyant. Tout le monde s’y est mis au nom d’une république qui s’est mise tout à coup à manger ses enfants au prétexte qu’ils n’étaient pas prévus à son banquet.
Ce dont il s’agit aujourd’hui, nous semble-t-il, et de loin, c’est de la capacité de la France à  créer un nouveau pacte républicain entre ses concitoyens et de rénover sérieusement ses institutions. Il serait suicidaire pour cela d’attendre les élections présidentielles de 2007. C’est trop loin et les manœuvres politiciennes d’une classe politique, usée et discréditée, sont trop nombreuses, trop irresponsables et trop dangereuses. Il serait, également, illusoire pour ce pays de garder la même Constitution car  celle-ci est obsolète et elle est, structurellement, incapable de générer ce nouveau pacte républicain ou de prendre en charge les exigences légitimes d’une société nouvelle et impatiente.

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