Editorial

La guerre à la guerre

© D.R

Les derniers faits d’armes de la police et de la gendarmerie nationales contre les terroristes «salafistes» donnent la pleine mesure du combat qui est mené par les forces de l’ordre contre le terrorisme intégriste au Maroc. Mais, cette mobilisation vitale est-elle ressentie comme telle et soutenue par l’opinion publique ? Il est permis d’en douter. Le sentiment prédominant est que le Marocain est en train de suivre ces évènements comme on regarde un film à la télévision. Une espèce de distance est maintenue comme pour conjurer le sort alors que nous jouons collectivement notre destin. La nature même de cette distance pose problème. Elle n’est ni critique -parce qu’elle n’est accompagnée d’aucun discours audible-, ni totalement passive parce que, justement, chacun sent profondément que l’issue de ce bras de fer sera déterminante pour l’avenir de notre pays.
Considérer que cette guerre contre le terrorisme salafiste est strictement l’affaire de l’Etat est une erreur grave dont les conséquences peuvent être néfastes. Aucun Etat ne peut décemment défendre une société si celle-ci a décidé de capituler devant les extrémistes ou face à tous les fossoyeurs des valeurs qui fondent son identité.
Alors que nous dit actuellement la société ? Comment riposte-t-elle à cette agression ? Que fait-elle d’une manière organisée pour qu’un 16 mai ne se reproduise plus ? Sur le plan strictement politique, la formidable émotion qui a donné naissance à la mobilisation sans précédent que nous avons connue après les évènements de Casablanca est retombée comme un soufflé. Depuis, silence radio. Ni dans les villes, ni dans les campagnes, ni dans les quartiers, ni encore dans les douars, nous n’observons un surcroît d’encadrement des citoyens ni une montée en régime des appareils partisans. Le vide continue à être occupé de manière de plus en plus insolente par les marchands de la haine et les sergents recruteurs du terrorisme. Cela est grave.
Au niveau de la société civile, à part les quelques convulsions médiatiques que nous avons observées, au début, chez les activistes de salon, le plus gros des ONG opérationnelles sur le terrain continuent à souffrir des mêmes insuffisances qui marquent la vie associative marocaine. Absence de moyens, carence d’encadrement, inexistence de projet ou de vision et surtout des rapports suspicieux, pour ne pas dire conflictuels – à part quelques exceptions notables – avec l’Autorité même quand celle-ci invoque le Nouveau concept.
Même sur le plan gouvernemental, il n’est pas certain, dans une conjoncture aussi dangereuse et explosive, que notre pays dispose actuellement de la meilleure équipe qui soit pour relever le défi. Plus que les actes, l’absence totale , en ces heures troubles, de discours politique, cohérent et mobilisateur, susceptible de galvaniser l’ardeur des Marocains autour d’un projet commun est perçue, de plus en plus, comme une reddition face à la logorrhée fasciste de la nébuleuse salafiste. Et ce n’est pas l’action gouvernementale, dans son image la plus surannée et la plus rétrograde, telle qu’elle est présentée, concomitamment, par les deux chaînes de télévision publique qui peut faire écran à cette déferlante nihiliste. Dans le monde d’aujourd’hui, on ne peut ni construire une démocratie sans la télévision, ni faire vivre les valeurs profondes d’une nation sans celle-ci. Nous, on y cultive une langue de bois solide susceptible de donner naissance à tous les incendies, même les plus imprévisibles.

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