Editorial

La leçon de Bouznika

Rarement un parti national n’a eu autant son destin entre ses propres mains comme l’USFP, aujourd’hui. Il est maître de son avenir, mais tout dépend de la manière dont il va le négocier. Le 7ème Congrès de l’USFP était supposé être sans enjeu, verrouillé et, «administrativement», encadré. Il ne devait pas réserver de grandes surprises et c’est le contraire qui s’est passé. Pourquoi ?
1 – Le Maroc a beaucoup changé. Les congressistes même sérieusement triés sur le volet, en amont et à titre préventif, ne sont plus des «moutons». Une fois au Congrès, ils se considèrent libres de leur vote, de leur sanction ou de leur gratification. Le fait qu’une liste noire ait circulé à Bouznika pour barrer la route à certains candidats a été considéré par les congressistes comme une humiliation et une atteinte à leur engagement. Ils se sont «révoltés» contre les instructions supposées et ont donné libre cours à leurs préférences. Première surprise.
2 – Il est devenu contre-productif pour des «apparatchiks», alors que l’idée de démocratie avance dans tout le pays, de vouloir réguler l’expression des militants par des techniques administratives. C’est une erreur fatale qui insulte l’intelligence et l’engagement de ceux qui font le parti au quotidien. Le résultat est là, et les scores dérisoires ou très serrés obtenus au Conseil national par des membres de l’appareil sont significatifs de ce refus de la manipulation. Deuxième surprise. 
3 – Troisième surprise et non des moindres, c’est que les congressistes vont précipiter, si on tient, démocratiquement, compte de leur vote, une redistribution des pouvoirs au sein des instances dirigeantes de l’USFP, notamment au bureau politique. C’est un fait majeur qu’aucune combine politicienne, arrangement plus ou moins sectaire ou bidouillage post-électoral ne peut occulter. Sinon ça serait un naufrage non seulement pour ce parti mais un discrédit de plus pour l’ensemble de la classe politique marocaine.
Qu’un parti politique marocain réussisse à la faveur d’un congrès démocratique et transparent à redéfinir son identité, à affirmer ses choix, à rajeunir ses cadres, à clarifier ses valeurs et à promouvoir une nouvelle élite qui corresponde aux attentes réelles des citoyens est la plus belle chose qui puisse arriver à notre pays. Mais pour cela, il faudrait que les responsables de l’USFP aient une conscience aiguë, justement, de leurs responsabilités dans la conjoncture difficile que traverse notre pays. Détourner, aujourd’hui, l’expression ou les suffrages des congressistes par des manœuvres d’appareil, c’est prendre le risque grave de «planter» définitivement un parti crédible qui a un rôle sérieux à jouer dans un avenir immédiat et, au-delà, de désespérer totalement les Marocains de la politique.
Il est clair que, désormais, les congrès des  partis politiques marocains  ne peuvent plus se dérouler comme par le passé. Que cela soit au RNI, au MP, à l’UC ou à l’Istiqlal, il n’est plus possible d’ignorer  la démocratie directe en détournant l’expression libre des militants ou de faire des congrès des messes formelles sans enjeux réels. Ce n’est plus possible. C’est cela la vraie leçon. 

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