Editorial

La main du makhzen dans la culotte d’un footballeur

Personne ne peut m’enlever de la tête que le foot c’est seulement le sport. Une aussi belle équipe, de si beaux joueurs, un aussi bon entraîneur, et un public marocain aussi ravi, c’est bizarre. Cela ne peut être ni le fruit du hasard, ni celui de l’entraînement professionnel, ni de la performance sportive. Des victoires ne viennent jamais comme cela. Moi, je vous le dis, tout cela c’est de la politique. Le makhzen ne doit pas être étranger à ce complot contre la nation. Il veut déstabiliser les défaitistes.
Et le défaitiste, comme son nom l’indique, n’aime pas la victoire. Celle-ci invalide les valeurs qui fondent son identité, animent son action et étayent son discours. Essayez de réapprendre le goût de la victoire à quelqu’un qui l’a perdu, cela sera difficile. C’est comme le bonheur quand il s’abat sans prévenir sur quelqu’un qui a passé toute sa vie à gérer l’adversité, à acclimater le malheur, et à apprivoiser la détresse. Il ne sait plus ou n’a jamais su faire. Il ne sait pas se comporter avec «Ã‡a». Cela mobilise un registre émotionnel dont il ignore les codes. Être heureux, pour certains, c’est presque une vocation naturelle. Pour d’autres, l’inverse, malheureusement, est, tout aussi, vrai.
Dites à quelqu’un : «Que Dieu maudisse ton père». Il vous répondra : «Que Dieu maudisse ta race, ta mère, ta descendance latérale et collatérale, l’air que tu respires et la terre sur laquelle tu marches. Qu’Il t’arrache les yeux, le coeur, ton appareil génital et disperse aux quatre vents fétides ton patrimoine génétique et celui de tes aïeux…». Bref, il sera intarissable. Dites, par contre, à quelqu’un : «Je t’aime.» Il vous répondra : «Heuuu…» d’une manière brève et empotée, et avec des gestes typiques d’un singe qui se gratte, concomitamment, le ventre et la tête avec deux mains opposées. Dans le premier cas de figure, c’est une hyper-compétence qui s’affiche. Dans le deuxième, l’incompétence est notoire. Deux postures différentes, deux cultures opposées et deux idées de soi et des autres irréductibles.
Alors vous pouvez maintenant comprendre que cette histoire d’équipe du Maroc qui gagne, et qui est victorieuse, est une affaire gênante. Très gênante. Des victoires et puis quoi encore ? Pourquoi pas, pendant que vous y êtes, des réussites, des avancées, des progrès ou des performances? Ça va pas, non ???? Tout cela est bien louche. J’y vois derrière la main du makhzen sportif, fédéral, footballistique ou même tunisien. À la faveur d’une défaite en foot, on peut demander une révision de la Constitution, hurler au loup, crier à la reprise en main sécuritaire, dénoncer le retour des années de plomb, dénoncer la trahison de la démocratie, ou invoquer le modèle espagnol mais sans Aznar. Mais avec une victoire, qui est, en l’espèce, quelque chose de foncièrement réactionnaire, on va demander quoi ? Du maïs soufflé, des lentilles à l’eau ou des fèves farcies aux pois-chiches… Tout cela est vraiment douteux. Ce Zaki ne doit pas être très net. Si le Makhzen commence à marquer des buts, c’est foutu non seulement pour le sport mais aussi, sans prolongations et même sans Coupe d’Afrique, pour la transition démocratique. Maintenant, des victoires, un comble…

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