Editorial

La maladie d’amour

© D.R

Les patrons marocains sont coincés, très coincés politiquement, s’entend. Ils sont invités sans modération à payer en espèce l’accueil triomphal et tonitruant qu’ils ont réservé à la nomination de Driss Jettou, un des leurs, disaient-ils en choeur, à la primature.
Le Premier ministre est parti les voir dans leur antre. Il leur a rappelé, en douceur, leur enthousiasme fracassant et il les a invités à se hisser à la hauteur de la très bonne et très haute opinion qu’ils ont de lui. Car dans la vie, comme dans les affaires, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des gestes d’amour. Et le pays, comme le Premier ministre d’ailleurs, manquent cruellement de ces gestes, loin de tout platonisme, qui donnent à toute relation, à travers la chair et l’esprit, dans une sensualité incommensurable, sa profondeur.
Driss Jettou invite nos patrons, si l’on peut dire, au passage à l’acte. Il sait très bien, et ils le savent aussi que sans le fameux retour de la confiance et son corollaire en imagination et en investissement, le Premier ministre ne pourra pas tenir les engagements qu’il a pris devant la nation. Sa réussite future dépendra, en grande partie d’eux et de leur vitalité sur le front économique.
Il faut que ça bouge ! Mais il faut également que le gouvernement déblaie le terrain sérieusement devant les investisseurs marocains et qu’il leur offre rapidement un environnement qui soit propice à l’engagement. Pour sa part, Driss Jettou s’est engagé sur un programme précis avec des délais qui le sont autant. Le rendez-vous est donc pris. Et les résultats doivent suivre.
Mais le plus pathétique dans cette histoire d’amour, c’est que les deux protagonistes sont condamnés à réussir. Il n’y a pas d’autre issue. Car si Driss Jettou n’arrive pas mettre les siens en ordre de travail, et s’il n’arrive pas à mobiliser son milieu, disons, naturel, on ne voit pas bien qui pourra un jour le faire dans ce pays.
Le profil du Premier ministre nous invite à être plus sévère avec lui que nous l’avons été avec son prédécesseur car, justement, son positionnement strictement « économique » favorise plus aisément la quantification et l’évaluation algébrique qu’une posture politique ou idéologique. Rarement, dans notre pays, le sort d’un gouvernement n’a été aussi directement lié aux chiffres et aux résultats. C’est le revers de la médaille. Ceci étant, à l’impossible nul n’est tenu.
Il reste pourtant un point majeur. A-t-on le droit de demander justement l’impossible à Driss Jettou ? La réponse est, bien entendu, oui car en demandant cela au mieux, on peut obtenir le possible. Ce qui est, somme toute, normal dans un pays normal. Si on ne peut rien demander ou attendre de nos gouvernants, alors où irions-nous ? Probablement, là où nous sommes déjà.

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