Editorial

La pensée insalubre

© D.R

L’habitat insalubre est la résultante d’une pensée de même nature. Sans pensée insalubre, il ne peut y avoir l’habitat qui lui est consubstantiel. C’est pour cela que toute volonté intellectuelle de vouloir cerner ce phénomène ou de le comprendre se heurtera inéluctablement à un vide théorique. Ce vide, qui est en fait un baraquement de l’esprit, ne peut être combléque par un effort théorique qui jette au préalable toute la lumière, en la définissant, sur la pensée insalubre. La pensée insalubre, donc, est d’abord une non-pensée. Sinon, elle serait salubre. Par contre, le bidonville qui est le produit de cette pensée a un sens, même s’il est labyrinthique. Il est donc pensé. Alors la première question qui se pose est de savoir comment une non-pensée crée un sens, marque un territoire et oblitère un espace? La facilité peut nous imposer une réponse facile : l’urbanisme au Maroc est une science inexacte. Mais ce n’est pas suffisant. On peut dire aussi que celui qui habite un bidonville a le choix d’y habiter. Certes mais pour valider cette affirmation, il faut pouvoir trouver, également, habitant dans des bidonvilles des gens qui ont, aussi, choisi d’abandonner leurs villas dans des quartiers plus résidentiels. Or ce n’est pas le cas, donc réfutons cette idée. Revenons à la pensée insalubre. Pour la cerner, posons cette fois des questions collatérales. Est-ce qu’un gouverneur qui découvre la création récente de 1000 bidonvilles nouveaux dans sa province est étonné ? Est-ce que le caïd , le chef de cercle et le moqadem qui découvrent ces bidonvilles sur le territoire dont ils sont responsables sont aussi étonnés? Est-ce que leur étonnement est de la même intensité que celui du gouverneur ? Si la réponse à ces questions est oui, on peut déjà avancer une petite conclusion : la pensée insalubre repose essentiellement sur l’étonnement. On avance. Maintenant si l’on admet que la surprise générale et concomitante est le moteur principal de la prolifération des bidonvilles et non la corruption de fonctionnaires ou d’élus, comme d’aucuns le pensent, on peut dire que la pensée insalubre est d’essence philanthropique. L’argent n’a rien à avoir dans son déploiement. C’est peut-être le fric mais là n’est pas le sujet, bien sûr. L’étonnement et la philanthropie sont, donc, les deux fondements essentiels de la pensée insalubre. Mais cela reste insuffisant pour la qualifier intégralement. Osons, à tout hasard, une dernière question. Est-ce que toute personne qui, philanthropique à l’étonnement facile, a une pensée insalubre ? La réponse est, bien entendu, non, si cette personne n’est pas gouverneur, caïd, chef de cercle, moqadem ou président de commune. On voit bien alors qu’une fonction élective ou d’autorité prédispose à cette forme de pensée. Par conséquent, on peut désormais affirmer sans ambages que chaque lieu dans lequel de nouveaux bidonvilles apparaissent, il y a indubitablement des responsables étonnants. On les remarque toujours à leurs yeux ébahis quand la police vient les arrêter. Mais rassurez-vous tout de même dans notre pays, on n’emprisonne pas les philanthropes. On préfère laisser les gens vivre et mourir dans des taudis.

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