Editorial

Le bazar des élections

© D.R

Les symboles des partis politiques sont à présent connus. Les électeurs devront choisir pour les législatives les icônes correspondant à leur choix. Sur le bulletin unique, ils sont invités à identifier leur parti et à mettre une croix exprimant leur volonté sur l’image adéquate. C’est simple comme bonjour, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Avant les élections, c’était une foire pas possible, mais avec l’apparition des signes, cela va devenir un bazar innommable. Notre bric-à-brac électoral est assez épique. On trouve de tout, il faut juste savoir faire son marché. Il y en a pour tous les goûts. Allons-y pour l’inventaire que Prévert en personne ne reniera pas. Évidemment, on n’évitera aucun poncif ni aucun lieu commun pour venir à bout de cette liste imagée. Sa philosophie elle-même nous interdit toute originalité ou toute expérience esthétique qui invoquerait une forme élémentaire d’intelligence.
Pour des vieux canassons de la politique ou des chevaux sur le retour comme l’UC, choisir le cheval comme signe est un vrai clin d’oeil au destin. Les turfistes le savent : un tocard peut parfois faire l’affaire, mais c’est risqué. Pour le RNI, choisir la colombe est un vrai pari sur l’avenir ou une profession de foi exaltée, mais ce n’est en aucun cas l’expression du quotidien tranquille d’un parti apaisé. Pour symboliser la guerre sanguinaire des tranchées favorisée par la succession d’Ahmed Osman, une colombe c’est un peu abusif. Le PDI, un parti qui ne regarde jamais la bosse des autres, signe la fin de sa traversée du désert par le chameau, c’est sobre et pas urgent du tout. Ziane et son Parti marocain libéral rugissent de concert, un lion, ça ne bêle pas, c’est connu, mais ça peut couiner quand il est flatté. Ahmed Alami, l’ex-ministre de la Santé PND qui court maintenant sous les couleurs du Parti de l’environnement, a opté pour la gazelle, mais dans ce cas précis, une corne de gazelle aurait été peut-être mieux. Elle aurait pu favoriser une alliance avec la théière de Bouazza Ikken de l’Union démocratique : une vraie fête politique animée par Oulad Bouazzaoui bien sûr.
Par contre, on ne sait pas de quoi a peur le PSD d’Aïssa Oudghiri. Une main contre le mauvais sort, alors qu’objectivement, personne n’envie ce parti. À moins que le PSD ne fasse une fixation sur le Parti de l’action, formation bien connue pour son immobilisme légendaire, qui, elle, a choisi franchement l’oeil comme symbole. Pour l’USFP, c’est la rose. Pour un parti qui n’a connu que des épines ces derniers temps, choisir la rose est certainement un pari sur l’avenir, surtout que Noubir Amaoui a pris le large à bord d’un voilier. Tout un symbole.
Aherdane, lui, a opté pour le blé. C’est normal, ça fait au moins 50 ans qu’il rentre les foins. On le sait tous : en politique, il n’y a pas de mauvaise saison, il n’y a que de bonnes récoltes. Thami Khyari, c’est l’olivier. De là à commencer à donner de l’huile, il faut au moins deux générations d’électeurs, malgré les promesses de la mise à niveau agro-alimentaire. La balance de l’Istiqlal laisse, quant à elle, perplexe. Pour un parti qui est un vrai fléau national et qui nous a toujours habitués à la politique de deux poids deux mesures, ce choix ressemble à une psychanalyse ratée.
Le livre du PPS force le respect. Dans un pays où la moitié des électeurs sont analphabètes, cela s’apparente à un programme en bonne et due forme. Dès qu’on saura quels sont les dix commandements des gens du livre, nous serons fixés. Mais la vraie blague, c’est la lampe du PJD. Pour des obscurantistes, ils ont fait très fort. Soit ils ont un humour islamique à tout crin de barbe, soit ils se moquent de nous comme de vulgaires laïcs. Le PND, lui, qui s’intéresse de près au monde rural, a choisi la clé, des champs bien sûr. Pour la clé des villes, il faut attendre les municipales , c’est évident. Le champion des coups d’épée dans l’eau, Mohand Laenser, du MP, a jeté son dévolu sur un poignard. Cela veut dire qu’il a révisé ses prétentions électorales à la baisse. Un coup de poignard dans l’eau cela fait moins de bruit. À moins que Kemmou lui prête son cran d’arrêt.
Sur les quatre bougies de la gauche socialiste unifiée, il n’y rien à dire. Ça tiendra plus chaud surtout pour d’anciens pensionnaires des cellules froides des années de plomb. L’horloge d’ADL est expressive. Tout le monde sait que le jeune homme pressé qu’est Ali Belhaj ne veut pas cette fois-ci rater son rendez-vous électoral. La ponctualité en politique, c’est l’apanage des partis créés en temps opportun. Mais plus dur sera le réveil. Lahjouji a domicilié ses Forces citoyennes dans une maison. L’ex-patron des patrons veut casser la baraque. Avec un Benhamida comme adjoint, quand le bâtiment va tout s’en va. Les souvenirs et les regrets aussi.
Il manquait une automobile à l’affaire. C’est le Parti du Pacte qui s’y embarque. C’est plutôt un taxi blanc. Des cobras en excès de vitesse. Deux mains croisées, on se demande pourquoi elles n’applaudissent pas, ça c’est le Parti du renouveau. Une audace à se taper sur les cuisses. Quant au Parti de la réforme, ça sera un ciel étoilé. Pour décrocher la lune, il faut être né sous une bonne étoile. Mais deux étoiles, c’est déjà un peu louche.

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