Editorial

Le cadastre arabe

© D.R

Les Arabes ne défilent pas contre la guerre d’Irak. Le monde le fait à leur place. Pourquoi ? Sont-ils moins concernés par la paix que d’autres ? Se désintéressent-ils à ce point du sort de l’Irak ? Ou sont-ils tout simplement dans l’impossibilité matérielle et politique de le faire ? De bonnes questions certainement mais dont les réponses, dans la conjoncture mondiale actuelle, ne signifient rien car les Arabes au sens algébrique ne comptent pas. Leurs voix non plus. Alors à quoi bon ?
La litote : les Arabes ne défilent pas parce qu’ils ne vivent pas en démocratie. D’accord. L’expertise : seuls des citoyens responsables et conscients défilent ; or les Arabes, pour la plupart, ne sont pas des citoyens et de ce fait ils ne sont ni responsables ni conscients. La caricature : une manifestation massive dans les pays arabes est, au choix, soit une commande de l’État, une émeute en puissance, un déploiement de force islamiste ou, dans le meilleur des cas, une sortie de stade. Et finalement, notre réalité : en défilant, les Arabes n’ont jamais pu arrêter une guerre, corriger une humiliation, restaurer un droit, rétablir une dignité, libérer la Palestine ou prévenir un génocide ou un massacre à grande échelle. Ils n’ont jamais pu en marchant ni installer une démocratie, ni conforter un État de droit ni, finalement, construire des droits de l’Homme solides.
D’ailleurs, même sur le plan strictement linguistique vous admettrez, avec moi, que l’on considère rarement des Arabes qui manifestent comme le fait d’une expression démocratique. On appelle cela, allégoriquement, la « rue arabe ». C’est la rue qui s’exprime et non des citoyens. C’est très troublant. Et même si la rue incarne la démocratie dans le monde arabe, il n’y a qu’à voir l’état de nos artères. La démocratie est en effet en piteux état.
Si vous voulez que l’on s’amuse ensemble, même si le moment ne s’y prête guère, à filer quelques métaphores on peut constater qu’actuellement la rue arabe ressemble plus au boulevard Oussama Ben Laden ou à l’avenue du grand Djihad qu’à la promenade des Américains ou des Anglais. Quant à l’allée Ariel Sharon, elle donne sur une impasse, celle des martyrs. Vous voyez bien que, nous autres Arabes, nous avons un cadastre assez heurté. De là à défiler, la topographie est claire.
Maintenant, sur cette triste affaire, si vous voulez la vérité vraie, c’est qu’on ne laisse pas les Arabes défiler parce que l’on sait trop ce qu’ils pensent. Et pas besoin d’une manifestation pour savoir qui ils sont. Ils sont Arabes. Des Arabes de Jénine, de Ramallah, d’Al Qods, d’Al Khalil, de Baghdad et du reste qui ne comprennent pas pourquoi Bush déploie tant d’énergie belliciste pour agresser inutilement et cruellement le peuple d’Irak alors que son ami, le criminel de guerre Sharon, continue dans l’impunité totale à accomplir son oeuvre « génocidaire » en Palestine. Cela fait longtemps que les Arabes en colère ne défilent plus, ils explosent avec leurs bombes.

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