Editorial

Le calendrier salutaire

© D.R

Nous sommes le 10 janvier 2002. Pour vous, cela semble une évidence. Mais ce qui est sûr, c’est qu’elle ne l’est pas pour tout le monde. Pour nos amis Juifs, nous sommes, selon toute vraisemblance, le 26 teveth 5762. Pour notre calendrier lunaire, à nous, nous pointons le 25 chaoual 1422. Vous voyez bien que cette affaire est compliquée.
Pour des gens, comme nous, qui sommes un peu en froid avec l’Histoire ou qui, souvent, lui tournons le dos, nous sommes gâtés. Pour mesurer le temps qui passe et notamment notre retard nous disposons d’au moins trois calendriers opérationnels. Si on ne veut pas faire le point sur notre situation, c’est ce que vraiment nous ne le voulons pas.
Maintenant, ce n’est pas tout. Nos amis Amazighs nous proposent un autre calendrier, et ils souhaitent, et c’est légitime, que nous célébrions avec faste le nouvel an Amazigh 2952, le 13 janvier 2002. Pour eux et c’est leur choix, au «Maroc et aux Marocains qui se réconcilient, enfin, avec leur identité culturelle, il ne saurait en être autrement que de reconnaître que le fondement Amazigh de leur Histoire passe d’abord par une approche de leur propre calendrier». C’est une bonne chose. Nos amis Amazighs ajoutent, et c’est imparable : «Un peuple se raconte, se réalise, et se projette dans le temps qu’il aménage en fonction de son calendrier spécifique. Il suffit de retourner vers nos traditions, dans les campagnes comme dans les villes, pour constater le legs et l’héritage des siècles se perpétuant admirablement malgré toutes les tentatives déculturantes». Tout cela est formidable.
Alors nos amis de la commission de l’Institutionnalisation de l’année Amazigh nous invitent à fêter comme il se doit le 13 janvier 2003 le 1er innayer 2953. Et ils en appellent sérieusement au gouvernement, solennellement à la société civile et doctement aux spécialistes du marketing touristique pour intégrer le «produit nouvel an Amazigh dans les différentes offres de commercialisation des destinations touristiques du Maroc». Je suis d’accord pour de multiples raisons.
Boire un pot de plus en début d’année ça ne se refuse pas. Faire la fête un 13 janvier à l’occasion d’un nouveau jour férié c’est super. Une fête de plus, qui la refuserait ? Que le 13 janvier 2002 soit en fait un 1er innayer 2953, qui peut le remarquer quand il est bourré ? Ça passera sans problèmes. Maintenant, dire pour janvier innayer, pour février févrayer, pour mars marsayer, pour avril yvrayel et ainsi de suite… Qui peut être gêné ? C’est une question de prononciation qui est déjà réglée dans la pratique quotidienne de notre français local. En outre, que 2002 devienne 2953 ou que le 13 devienne le premier quand on est lourdement endetté, il ne faut pas chipoter pour si peu. Seules les traites d’Eqdom ou de Wafasalaf vont être un peu décalées dans le temps.
Non, il ne faut pas bouder son plaisir, les gars qui ont gambergé ce coup sont très forts. C’est un truc sympa qui peut nous régler beaucoup de choses. Avec ça, tu reportes les élections, personne n’y voit que du feu, le mode de scrutin sera réglé, bien évidemment, dans la foulée. Pour sa dette, le FMI peut légalement repasser : allez vous faire voir, nous avons changé d’année ! Mieux encore, ça peut effacer d’un seul coup les conséquences néfastes du 11septaymber 2951 sur le tourisme national. On voit d’ici 10 millions de touristes venir du monde entier fêter le innayer chez nous dès l’année prochaine. Non, ça c’est marketing costaud, ma parole. Allez à demayer.

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