Editorial

Le compte est bon

Comment faire du neuf avec un sujet aussi consommé que la présentation des voeux pour la nouvelle année ? A force de revenir dans l’actualité au bout de tous les douze mois que le bon dieu fait, l’événement est, évidemment, très banalisé. Mais, on ne peut pas non plus faire l’impasse là-dessus. Et puis, il n’y a pas de raison particulière de chercher à tout prix à être original. Alors, allons-y, gaiement, tant qu’à faire!
Il nous faut, d’abord, coller à la banalité des choses, rester à la surface des mots, des lettres et des chiffres, et interpeller ce sens superficiel et évident qui, à la manière de certains minéraux, parfois précieux, émerge à ciel ouvert.
Dans «Bonne Année 2002», vous l’avez constaté, il y a une fréquence de dédoublements troublante : deux «n» pour Bonne et pour Année, deux «2» et deux «0» pour l’année 2002. Pour la lettre « n », et là aussi vous en conviendrez, c’est, le tracé des arabesques. Le sens premier et le plus évident de cette figure est une signature de l’esthétique arabe, arabo-musulmane pour être précis. Elle rappelle les beaux jours de cette culture, notamment dans ses déclinaisons andalouses, feutrées, avec des formes nuancées qui jurent par rapport aux arêtes et volumes abrupts d’architectures anciennes plus spartiates. Bon augure pour l’année qui vient, promettant de la douceur de vivre à ce monde très contrarié, secoué par des lignes de fuite et des cassures éprouvantes et qui, enfin, parviendra à une sorte de havre de paix et d’apaisement.
Pour le zéro et sa redondance, c’est presque un excès dans l’évidence. De cette invention, ou découverte, on ne sait pas trop s’il faut se féliciter ou se mordre les doigts. Elle est tellement inhérente à l’histoire du monde arabe qu’il ne sert à rien d’en rajouter ici. Hormis le risque d’être nul et non avenu, de faire la preuve du vide sidéral qu’essaie de contenir le détouré du zéro par rapport à l’immensité de l’infini. On peut, toutefois, gloser à volonté sur les valeurs de ce signe qui s’annulent selon la position de droite ou de gauche qu’il occupe dans l’ordonnancement des nombres. Mais, ce serait prendre le risque inutile de prêter le flanc à une interprétation politique que cette chronique ne veut pas assumer.
Venons en, enfin, au « 2 », deux fois décliné lui aussi pour l’année qui vient. Chez les initiés, on appelle cette conjonction rare « le couplage des couples ». Le zéro, on l’a vu, est hors-concours en matière de calcul et de dénombrement. Après le « Un » qui est un signe réservé à l’Absolu, le chiffre deux est le véritable commencement du comptage, pour les êtres et les choses. Comme ce sont les êtres qui nous importent ici, l’année 2002 s’annonce comme celle du rapprochement, de l’osmose, de la concorde et de l’entente.
On peut, aussi en épilogue à cette approche, qui a le mérite de n’arriver qu’accidentellement un jour de l’an, un moindre mal en somme, signaler que la conjonction dédoublée entre les « 2 » et les « 0 », dans ce contexte, et par l’ordonnancement même de cette suite, est hautement significatif. Le fait de contenir deux fois le zéro entre deux fois deux, est une forme de sur-encadrement du vide, délimité une fois par le tracé des zéros et une autre, plus ample et plus explicite, par les deux deux, à droite et à gauche du couple nul. C’est une manière de fixer le cours de l’incertain et de donner plus de tonus aux attitudes rationnelles et délibérées. Donc, en somme une année qui sollicite responsabilité et volonté.
Bon , je crois qu’il est temps de vous dire : « à l’année prochaine », avec moins de prises de tête, j’espère de tout coeur.

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