Editorial

Le malheur des uns et des autres

© D.R

Après la fuite, le retour des cerveaux est amorcé. Ce n’est pas parce que le Maroc est devenu soudain plus attractif pour ses cadres de valeur. Non, la raison est que les conditions d’expatriation dans le monde se sont détériorés depuis le 11 septembre. En Europe, cela était une réalité bien avant les évènements terroristes, maintenant ce sont les États unis d’Amérique et le Canada qui sont gravement touchés.
Un cadre marocain émigré en France ou en Belgique peut s’accommoder avec le temps d’un environnement marqué par le racisme et la xénophobie. Il peut intérioriser cette donnée et essayer de vivre avec. Mais ce qui se passe actuellement en Amérique ou au Canada est plus grave. Il ne s’agit pas de racisme au quotidien ou de harcèlements sporadiques en général bien encadrés et limités. Nos concitoyens expatriés ont affaire à une nation traumatisée qui verse dans une hystérie anti-arabe généralisée. L’État américain lui-même dans sa communication antiterroriste a échoué à distinguer entre les honnêtes gens travailleurs qui ont mis au service de ce pays leur matière grise, leur vie et leur espoir, et des terroristes sanguinaires. Un Arabe quel qu’il soit est un terroriste en puissance. Soit il est actif et il faut le neutraliser, soit il est un agent «dormant» et il faut le débusquer. Ce nouvel axiome américain dans sa démesure fait qu’il y a dans le monde près de 250 millions d’agents arabes dormants et 1 milliard de musulmans candidats au suicide terroriste. Cela fait beaucoup.
Quand un homme arabe épris de liberté et demandeur de dignité se trouve pris dans un piège si parfait sans qu’il puisse par son travail et son comportement civique témoigner de sa bonne foi c’est tout un projet de vie qui est détruit. L’heure du retour a sonné. Maintenant, que font nos entreprises pour attirer les cadres de valeur et leur offrir des perspectives de carrière qui rendrait obsolète tout projet d’expatriation ? Que font nos villes pour qu’elles soient attrayantes pour cette population demandeuse d’activités culturelles et de loisirs de qualité ? On peut multiplier les questions et l’on constatera que notre environnement global est assez répulsif pour cette catégorie de la population qui porte un souci particulier à son mode de vie et à son bien être.
Pour tempérer tout cela, il faut aussi ajouter que tous ceux qui se noient tragiquement dans les eaux du Détroit à la recherche d’une émigration aussi aléatoire que sans issue n’ont pas autant de coquetterie. Ce qu’ils veulent ceux-là c’est tout simplement du boulot. Or on en crée si peu pour eux. Et si mal pour les autres.
Personne ne choisit l’exil ou le naufrage par vocation. À moins qu’il ne soit né avec une cueillère en or dans la bouche. Et ça c’est une autre histoire.

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