Editorial

Le poulet des autres

© D.R

Le Premier ministre Driss Jettou, en compagnie de Nabil Benabdellah, ministre de la Communication, et de deux caméras de la télévision marocaine a offert un dîner à des représentants de la presse nationale. C’est une très bonne chose. Le Premier ministre a fait un plaidoyer Pro domo défendant son action et son bilan, ce qui est absolument légitime et même, à certains égards, très appréciable. Ceci étant, cette rencontre a permis au Premier ministre de répondre aux questions, également légitimes et même, à certains égards, très appréciables de la presse qui s’est interrogée, naturellement, sur l’éclatement de la majorité gouvernementale et la porte que cet évènement ouvre, dans toutes les démocraties du monde, soit à un remaniement ministériel conséquent soit au départ même du Premier ministre, si cela s’avérait nécessaire. Les thuriféraires de Driss Jettou, tout à leur dévotion, ont fait de ces remarques de principe une cabale, un complot voire un lynchage du Premier ministre. C’est leur droit le plus absolu qui conforte l’adage marocain qui dit que celui qui mange le poulet des autres doit, obligatoirement, engraisser le sien. Or, Driss Jettou était uniquement interpellé en tant que chef sur les divisions indignes de sa majorité. Il le reconnaît désormais tout en n’assumant pas cette même majorité. Si cela est vrai, nous sommes en droit de nous demander qui lui a imposé cette majorité. Et pourquoi l’a-t-il acceptée ? Sur un autre point, et cela nous l’apprenons chez notre excellent confère Fahd Yata de “La Nouvelle Tribune”, Driss Jettou ne serait pas sur le départ. Et qu’il n’appartient pas à la presse de faire ou de défaire les gouvernements. Soit. La question ne se pose même pas. Mais ce sont bien les élections perdues ou pas et les majorités éclatées ou pas qui font et qui défont les gouvernements. Et ce sont bien les observateurs de la vie politique, dont notamment les journalistes qui s’occupent, n’en déplaise à certains, d’éclairer, librement et le plus honnêtement possible, l’opinion publique sur tout cela. Maintenant, juste pour rendre la politesse, s’il n’appartient pas à la presse de faire et de défaire les gouvernements, appartient-il au Premier ministre de s’auto-reconduire à la tête du gouvernement ? Et s’il le fait, quelle marge de manoeuvre laisse-t-il au chef de l’État d’exercer la plénitude de ses droits constitutionnels ? Ce sont-là des questions bien sérieuses. Pis encore, et accessoirement, pour répondre au choeur des couineuses et des pleureuses qui trouvaient « indigne » que l’on s’attaque, si attaque il y a, au Premier ministre en l’absence du Souverain, est-il normal que Driss Jettou se reconduise tout seul et écarte tout remaniement, dans une rencontre avec la presse en compagnie du porte- parole du gouvernement, en l’absence du Chef de l’État, privant ce dernier du droit de tirer les leçons politiques d’une évolution politique assez chaotique ? Celle-là aussi est une question sérieuse. Ne mérite-t-elle pas en tout cas d’être posée ? Pour conclure, Nabil Benabdellah devrait conseiller – c’est un spécialiste – au Premier ministre de mettre un bémol à son hyper-réactivité et surtout de procéder au désarmement de ses amis. On ne sait où va le gouvernement après ces élections maudites, mais avec un bataillon d’amis comme ceux-là, c’est à Canossa qu’il va…En klaxonnant.

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