Editorial

Le prix de la liberté d’expression

© D.R

Tout le monde appelle, ces derniers temps, avec plus ou moins de naïveté, à une autorégulation de la presse. Il est étonnant que face à un problème juridique et professionnel, qui devrait faire appel normalement à quelque chose comme la volonté, notamment politique, on mobilise une des lois de la cybernétique. Ni un concept comme l’autorégulation, ou celui de l’entropie ne peuvent être d’un quelconque secours dans cette affaire.
Dans un système démocratique qui se respecte, la régulation se fait par la loi. Cette dernière, si elle est bonne et opérationnelle, est le produit d’un législateur qui, avant de légiférer, a étroitement associé et impliqué les professionnels dans son travail. Ce n’est pas le cas, malheureusement, dans le domaine de la presse.
A la faveur de la scabreuse affaire qui défraie actuellement la chronique -une agression infâme contre l’honneur et la dignité d’un homme public -, on demande, encore une fois, à la profession de s’autoréguler. Alors que l’auteur de ces délits, depuis longtemps en délicatesse avec la justice, est éditeur de presse du fait de la loi et non pas de la volonté des professionnels. Si ce monsieur est effectivement un hors-la-loi, comment la loi lui a-t-elle permis de devenir un éditeur de presse? Ce monsieur se réclame de la profession de journaliste, qu’il salit, bien entendu, alors que les journalistes eux-mêmes n’ont aucune latitude à dire, dans une vraie et authentique commission paritaire, qui est journaliste et qui ne l’est pas. Les cartes de presse étant signées par le ministre de la Communication lui-même. C’est donc encore à l’Etat d’assumer le fait que la qualité de journaliste a été reconnue à un personnage qui ne devait pas théoriquement en bénéficier.
Où sont les journalistes dans tout cela ? Nulle part. Ils ne sont concernés que parce que ces histoires les tirent vers le bas, ruinent leurs entreprises, portent préjudice à leur profession et annihilent tous leurs efforts de hisser ce secteur, au coeur de la démocratie, à la hauteur de ses vraies responsabilités politiques, économiques et culturelles.
Le code marocain de la presse n’est pas au niveau requis pour accompagner le développement du pays. Dans le meilleur des cas, il est perçu comme un code pénal-bis, alors qu’il devrait être un outil de développement social et économique d’un secteur vital. La « criminalisation » du journalisme favorise sans conteste les dérapages et les dérives de toute nature. Là où il faut s’appuyer sur une organisation sérieuse de ce métier, à travers ses structures professionnelles légitimes, dans un cas on mise sur le tout-répressif, produit d’une mise sous tutelle administrative de tout le système, et, dans l’autre, on laisse les entreprises de presse sérieuses et responsables livrées à un marché opaque et destructuré et qui ne trouvent leur piètre salut, car il faut bien vendre, que dans la surenchère sensationnelle, démagogique ou nihiliste. Le fond du problème est là, la démocratie a un coût.
Notre pays a choisi la démocratie, mais il ne veut pas la financer sérieusement dans la transparence pour l’extraire de la mainmise des maîtres-chanteurs, des escrocs, des financements occultes et des dérives moralement condamnables. Pour faire vivre la liberté d’expression à travers un cadre légal moderne, responsable, incitatif et porteur de progrès économique, il faut mettre à plat toute la législation actuelle. Elle ne correspond plus à rien. Et c’est justement ce rien qui exprime aujourd’hui la loi du marché.

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