Editorial

Les aventures de Tintin en Espagne

L’actuel ambassadeur d’Espagne au Maroc, Fernando Arias Salgado, ex-responsable des services secrets espagnols, le Cesid, vient sans aucun doute de commettre la plus grosse faute professionnelle de sa carrière. Il a informé d’une manière formelle son gouvernement d’une rencontre, en la donnant pour vraie, entre Felipe Gonzalez, Abderrahmane Youssoufi et S.M. Mohammed VI.
Mieux, il a également communiqué la même information au quotidien espagnol El Mundo qui l’a annoncée, lundi dernier, comme étant certaine, à la une en créant un immense imbroglio politico-diplomatique qui a secoué l’Espagne. Or il s’est rapidement avéré, après les démentis formels de Felipe Gonzalez et de Abderrahmane Youssoufi que c’est une affaire montée de toutes pièces par des milieux proches du Partido Popular de Maria Aznar, pour mettre à mal le Parti socialiste espagnol et les relations maroco-espagnoles qui sont au plus bas.
Josep Pique, le ministre espagnol des Affaires étrangères, qui a hérité de cette sale affaire a essayé de rattraper le coup mais a fini par admettre que les informations provenant de leur Ambassade à Rabat n’étaient pas recoupées. L’ambassadeur lui-même, vendredi dernier, sur la foi des informations d’un «correspondant local», a fait le déplacement à Madrid pour informer oralement son ministre des Affaires étrangères sur l’imminence d’une rencontre secrète à Tanger entre Youssoufi et Gonzalez. Et cela avant la supposée rencontre. Plus tard, l’ambassadeur confirme la rencontre à Tanger en se basant sur les dires d’un informateur «crédible» du consulat espagnol de Tanger. Celui-ci aurait identifié clairement les deux protagonistes, le lieu de la rencontre, les horaires, et leurs voitures. Tout cela s’est avéré être un bidonnage puisque la rencontre n’a jamais eu lieu.
Or, ce que savait ou ne savait pas Fernando Arias Salgado c’est que le voyage de Felipe Gonzalez n’était pas secret. Dès samedi, La Moncloa, la présidence du gouvernement était au courant du voyage, une demande de port d’armes à l’étranger pour les gardes du corps de Gonzalez a été déposée en bonne et due forme comme la règle espagnole le veut. Et cela est officiel, il n’y a pas de secret là-dedans.
Felipe Gonzalez a passé effectivement 24 heures samedi à Tanger, avec ses amis, durant lesquelles il n’a rencontré aucun officiel. Et Abderrahmane Youssoufi n’a pas quitté sa résidence de Rabat tout le week-end où il a reçu un certain nombre de personnes comme il l’a affirmé à la Cadena Ser. Il a aussi déclaré qu’il trouve étrange que l’ambassade d’Espagne à Rabat soit à l’origine de cette invention qui dénote d’une imagination très fertile. Le Premier ministre marocain prête par ailleurs ce montage ridicule à des milieux qui ont un intérêt particulier pour maintenir les relations maroco-espagnoles dans la spirale de la crise.
Fernando Arias Salgado, l’Ambassadeur d’Espagne au Maroc est éclaboussé par cette farce vaudevillesque qui déshonore la diplomatie espagnole et qui révèle une incompétence personnelle dangereuse et nuisible aux deux pays. Felipe Gozalez, dont la dignité a été atteinte par l’espionnage systématique dont il fait l’objet, et le Parti socialiste espagnol ne demandent aujourd’hui ni plus ni mois que la démission de leur ambassadeur au Maroc. Ça serait peut-être utile pour l’avenir – si avenir il reste – des relations entre les deux pays.
«Quand Bush a décidé de créer une officine de désinformation, on dirait que le gouvernement d’Aznar a également décidé de s’approprier cette idée.» écrit justement El Païs dans une opinion publiée mercredi. Dans tous les cas on constate, d’ores et déjà les dégâts de ce type de démarche.

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