Editorial

Les yeux de l’athlète.

© D.R

Le rétablissement du certificat d’études primaires est la vraie bonne nouvelle de l’année qui se termine. Le bon vieux certif est de retour, c’est une excellente chose. C’est un diplôme simple, discret, convivial et d’une efficacité redoutable. Il n’a rien à avoir avec le juvénile et prétentieux Bac, la prometteuse mais aléatoire Licence ou le dramatique et pompeux Doctorat. Le certif ne mène pas à la grève de la faim comme les autres diplômes. Bien au contraire, il nourrit son homme.
Il permet de lire et d’écrire. D’acheter un journal. De remplir un formulaire. De suivre son compte en banque. D’accepter un travail dans le privé, modeste mais rémunérateur. De vivre, de voter et finalement d’être un bon citoyen. Le certif, c’est tellement tout cela qu’on se demande pourquoi il a, un jour, disparu. Et, surtout, qui est le génie qui l’a fait disparaître ?
Celui qui l’a fait disparaître doit, quand même, pouvoir assumer deux ou trois petites choses dangereuses. La fabrication d’analphabètes diplômés, du secondaire à l’université. Le développement dans notre pays d’analphabètes bilingues. La production d’êtres bafouillant et dyslexiques. Et, accessoirement, la fin de la lecture et de l’écriture dans notre pays. Ce monsieur est responsable de tout ça. Un crime contre nos humanités.
Au Maroc, aujourd’hui, on dit tous les jours, tu te racontes ou tu te rencontres pour tu te rends compte, la coupine pour la copine, la bohémie pour la bonhomie, elle est au courante pour elle est au courant, le microbe-climat pour le micro-climat, les yeux de l’athlète pour les yeux de la tête, n’a pas fait long feu pour a fait long feu, filigramme pour filigrane, cinéastre pour cinéaste, dilemne pour dilemme, inflammable pour ininflammable, imminence pour éminence, imminent pour éminent, altitude pour attitude, intention pour attention, alternance pour alternative, félicitations pour condoléances etc. Nous passons sur la conjugaison du verbe devoir, sur monter en haut, sur le café noir, sur l’enquête est actuellement en cours, sur la seule et unique alternative et le reste… Notre langage et notre écriture sont un vrai champ de mines. Alors, forcément, le retour du certif va limiter les dégâts. Il nous garantira au moins que l’heureux diplômé sait lire, écrire et compter, au moins dans deux langues. Un vrai sésame ( à ne pas confondre avec le grain) pour l’univers de la connaissance. Si le budget du ministère, énorme et volatile, de l’Education nationale sert uniquement à cela, nous pouvons considérer que notre pays est sauvé. Si l’instituteur est valorisé parce que son enseignement est sanctionné par un vrai diplôme, nous avons gagné la partie. Et si, finalement, nos élèves retrouvent le vrai goût des Belles Lettres, nous pouvons regarder la «gameboy» fatale ou la «playstation» honnie avec des yeux moins apeurés.
Voilà, maintenant, je ne vais pas faire long feu devant vos imminences, ni changer d’altitude car mon attention, en filigramme, à votre égard me coûte les yeux de l’athlète. Et ce, malgré votre bohémie à mon intention. Je me rencontre que j’en ai trop dit. Ma coupine, à l’heure qu’il est, doit déjà être au courante.

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