Editorial

Lettre aux élites sous forme d’appel à la trahison

Mohamed Abdelaziz a choisi de s’adresser aux élites marocaines pour les sensibiliser à sa cause séparatiste. La démarche est intéressante et le procédé original. Il choisit d’interpeller directement l’élite (!)  pour la retourner contre «le gouvernement marocain» comme si dans l’affaire du Sahara marocain, les Marocains n’étaient que des spectateurs sans conviction, ni valeurs, ni patriotisme. L’homme d’Alger fait fort, mais la technique est grossière.  
Son message central est enfantin : «Au cours des dernières années, et au regard de l’immense responsabilité qui exige plus que jamais de redoubler d’efforts pour garantir à nos peuples un avenir commun, les élites, les partis politiques et les intellectuels marocains avaient, pendant les dix premières années du conflit,  appuyé fermement, parfois avec zèle les thèses du Gouvernement marocain. Si les conditions régionales et mondiales étaient favorables à une telle inflexion, il n’en est plus de même aujourd’hui, et donc il n’y a plus de raison à ce que les intellectuels démocrates, les élites, les partis politiques et les instances de la société civile cautionnent la politique du Gouvernement marocain tendant à confisquer le droit démocratique sur les frontières sud du Maroc.» Le monde change alors abandonnez votre pays ! Or cet argument est réversible. M. Abdelaziz, le monde change alors abandonnez vos projets chimériques !
Maintenant, pour faire passer son message, l’auteur de la lettre publiée le 2 juin 2005 dans le quotidien algérien Al Khabar, choisit la technique la plus éculée pour convaincre. Il flatte : «Un grand peuple comme le peuple marocain qui a enfanté des hommes illustres tels Mohamed V, Mohamed Abd Lekrim Khatabi, Zerghtouni, Hamou Zayani, le Fquih Basri Mehdi Ben Barka, figure de proue du nationalisme marocain, Abdeslam Yassine, Allal Ben Abdalla, Abdelatif Zeroual, Saida Mounebhi, Touhani Amin, Oumar Dehkoun, Mohamed Benouna, Omar Ben Jelloun , Nadia Yassine, Belhouari, Dridi et bien d’autres, dont les combats contre le colonialisme ont laissé des traces indélébiles dans la mémoire collective de leur peuple et des peuples voisins, ne peut, au nom d’un rêve utopique, désuet, rester impassible devant l’abandon d’un futur rayonnant et prometteur auquel aspire nos deux peuples frères.» Il se vautre dans la flatterie la plus crasse et tente une grossière manipulation en essayant d’inverser le sens de l’Histoire. La réalité chimérique de son projet est manifeste. Il peut ajouter de l’emphase à ses faux arguments, mais il reste dans le domaine pathétique de l’irréalité.
Ayant fait de la flatterie un choix stratégico-comique, il remet une couche : «Un grand peuple comme le peuple marocain qui a donné à la culture contemporaine une élite qui restera éternellement témoin de la créativité tels Mokhtar Soussi, Mohamed Abed Al Jabri, Abdallah Hamoudi, Abdallah Aroui, Mehdi Menjra, Mohamed Drif, Mohamed Tozi, Mohamed Barada, Taher Ben Jeloun, Fatma Merini, Moumen Diouri, Abdallah Azrica, Abdelatif Elabi, Abdelhamid Aka, Mohamed Kessous, Touraya Jebrane et autres et qui, en dépit des années de plomb  toujours palpables, a fait montre d’une grande disposition pour la consécration des droits de l’Homme et la démocratie, ne peut garder le silence devant la violence d’une rare sauvagerie dont ont été victimes les étudiants sahraouis qui ont manifesté devant le campus universitaire de Rabat.» On ne sait plus avec Abdelaziz El Marrakchi ce qui est palpable? Est-ce les années de plomb ou l’argent de l’aide internationale détourné dans les camps des séquestrés ? Est-ce sa bêtise monumentale d’instrumentaliser des populations privées de liberté ou sa rente de mercenaire aux ordres du pouvoir algérien ? On ne sait plus. 
Alors il continue avec la brosse à reluire : «Les élites démocrates au Maroc, tels Abdel Hamid Barada, Abderahmane Ben Amar, Abderahman Jamai, Abdelhamid Amin, Mohamed Sabar et bien d’autres accepteraient-ils que leur pays s’isole davantage de la Communauté internationale ?» Les intéressés lui répondront s’ils veulent mais le cocktail de noms est sidérant. Il cite. Il nomme. Il mélange. Il fait cohabiter. Il se mélange les pinceaux. Il écorche les noms et il se fatigue tout seul. 
Il ajoute encore une couche pour être bien compris et pour continuer à roder sa technique lumineuse en posant une fausse question : «Des hommes nobles tels Abou Bakr Jamai, Ali Lemrabet, Idriss Benani, Ben Chemsi et bien d’autres accepteraient-t-ils que les valeurs humaines soient foulées au pied de la sorte, que la liberté d’expression soit bafouée avec cette brutalité au Sahara Occidental au vu et au su de tout le monde ?» Un vrai appel du cœur à ceux qu’il semble considérer comme des alliés objectifs potentiels. Encore une fois, sans être invité, il se sert à manger tout seul dans l’auberge de la démocratie marocaine.
Et pour finir notre pantin pathétique, il jette sa bouteille dans une mer de sable. Le Mao des matons pense avoir achevé le boulot alors il nous gratifie du feu d’artifice final dans la pure langue de bois stalinienne : «Notre confiance est grande en vous, élites et peuple marocain frère. La main de la paix que nous vous tendons est sincère. Associons-nous, pour regarder ensemble l’avenir avec optimisme et espoir, l’avenir radieux auquel aspire nos peuples frères et nos générations futures.» Pitoyable. Il n’y a rien à regarder avec ce type. Il n’est pas fiable et n’inspire aucune confiance. La main de la paix qu’il tend est la main de Judas. Un traître qui a renié son pays trois fois avant la tombée du jour ne mérite que le mépris.

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