Editorial

M. Aznar, vous n’êtes pas le bienvenu

Tout ce que peut écrire la presse espagnole sur le Maroc est à verser au compte de la liberté d’expression. Tout ce qui peut se faire ici dans le même registre professionnel relèverait, par contre, d’une manipulation. Nous avons vu, dans un passé récent, l’Espagne d’Aznar protester, sans vergogne, officiellement contre un article paru dans le quotidien marocain El Alam, comme s’il avait été écrit par le gouvernement lui-même, alors que les nôtres quand ils sont sérieusement agressés par une certaine presse ibérique, sont insolemment invités à apprécier les subtilités mauresques de la liberté d’expression à l’espagnole, sauce Aznar. Nous, quand on prend des positions claires et nettes, patriotiques, en rapport avec la souveraineté nationale marocaine ou l’intégrité territoriale du pays, on nous sert à longueur de colonnes des âneries du genre «presse alaouite», «proche du makhzen» ou de la «inteligencia alaui». Pour eux, c’est normal. Des êtres intellectuellement inférieurs ne peuvent mériter que ce type de traitement par les tenants de la grande Espagne. À l’opposé, quand, nous, on stigmatise le fait que des journalistes espagnols se font briefer collectivement et régulièrement dans l’enceinte même de leur ambassade à Rabat par des fonctionnaires du CNI -le service de renseignement espagnol – ou quand on dénonce des coups montés de style barbouze de troisième zone présentés comme des enquêtes journalistiques, ces gens-là nous font des procès. À la bonne heure. La fausse rencontre de Felipe Gonzalez au Maroc avec Abderrahmane Youssoufi et le Souverain, le comité bidon des officiers libres, le vrai-faux passeport espagnol de Abdelilah Ichou, l’affaire du rendez-vous manqué de Javier Solana… tout cela est très professionnel et permet de donner des leçons de journalisme, magistrales, bien sûr, toujours à l’espagnole, sauce Aznar. Le problème avec nos amis Espagnols c’est qu’ils ne peuvent pas admettre qu’il existe des points de vue différents, libres ou décalés dans notre pays en dehors de tout ce qui est officiel. Ce déni constitutif de toutes les analyses nous concernant a incontestablement des relents racistes. Le «Moro», surtout et aussi, quand il est journaliste, ne peut jamais – c’est-à-dire génétiquement – penser d’une manière autonome. Il ne peut que charrier des dictées, des ordres ou des consignes émanant toujours de lieux plus ou moins obscurs où, là également, la réflexion ne peut être que primitive. Avec cette approche, nous ne sommes déjà plus devant un ersatz de délit de faciès, mais carrément devant un délit d’existence. Rien ne nous interdira notre liberté de pensée. Et si, aujourd’hui, nous considérons que José Maria Aznar est un homme qui a mis au plus bas de la démagogie, du populisme, du nationalisme primaire et de la violence raciste les relations hispano-marocaines, nous sommes libres de le penser. Comme nous sommes libres, en conséquence, de considérer, aujourd’hui, qu’il n’est pas le bienvenu chez nous. Au-delà de la légendaire hospitalité marocaine, c’est l’idée, après quatre ans de harcèlement aznarien, que nous nous faisons de notre dignité.

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