Editorial

Manuel de pluie à l’usage des croyants

© D.R

La pluie, quand cela lui arrive de tomber, balaie tout sur son passage. À chaque fois, c’est le même processus qui est enclenché. Sécheresse, inquiétude, météo, prières rogatoires, pluies, inondations, gros dégâts, grosse colère, et gros titres de journaux. A chaque fois on fait mine d’être surpris, indigné et l’on sort les mêmes discours, les mêmes idées et les mêmes récriminations.
Conseils communaux. Collectivités locales. Elections. Corruptions. Achats de voix. Détournements. Goudrons. Zones industrielles. Dahir de 1976. Et tout le toutim…Ça suffit. On arrête. On fait au moins une pause. Parce qu’à la longue, tout cela devient lassant. On commence, d’abord, par faire un référendum. «Est-ce qu’on veut, oui ou non, la pluie au Maroc?». C’est une question capitale. Un principe intangible. Un vrai préalable démocratique. Il faut que le peuple marocain décide en toute souveraineté. En fait, il faut qu’il se mouille sérieusement sur cette question. Si le « non » l’emporte, et c’est probable, la question est vite réglée. On arrête les prières rogatoires et il n’y aura plus de pluie. Pour le reste, on s’organise.
Mais si le « oui » l’emporte, et c’est aussi probable, on peut commencer à prier, mais dans ce cas d’espèce, il faut surtout prendre des dispositions particulières avant les averses. Il faut prier raisonnablement, doucement, par à coups, de manière calme, douce et bien répartie sur le territoire et avec une priorité rogatoire pour les territoires secs. Sinon, ce sont les gros orages qui s’abattent sans crier gare. N’importe comment. Quelle idée de pleuvoir sur une zone industrielle comme à Berrechid ou dans le centre-ville d’une ville comme Settat ? Ça ne sert à rien. Bien évidemment.
Les gars qui prient ne doivent jamais s’exciter. S’enthousiasmer. Tomber en transes. Ou pousser la dévotion jusqu’aux larmes, aux cris et aux supplications exaltées. Vous voyez le résultat : il pleut à Settat.
Si ça ne tenait qu’à moi, je ne pleuvrais pas n’importe où. Je commencerais par demander au ministère de l’Intérieur les dossiers des audits des collectivités locales. Je pointerais soigneusement les communes mal gérées, les marchés mal passés, les présidents ripoux, les conseils rompus, les infrastructures bidonnées, les épaisseurs de goudron rectifiées, les fausses zones industrielles, les fonds et les oueds détournés. Après ça, j’irais pleuvoir ailleurs. J’éviterais comme la peste ces verrues de la démocratie locale. Et bien sûr il n’y aurait pas de dégâts.
Dans la vie, il faut toujours prendre des précautions. Il ne faut jamais s’adresser à Dieu si on n’a pas les moyens de ses propres voeux. Il suffit qu’un seul voeu soit exaucé et si vous n’avez pas les moyens de le recevoir, c’est la catastrophe totale. Quelle idée de demander, chez nous, la pluie alors qu’au moindre petit orage de printemps, les autoroutes sont dévastées, les zones industrielles foutent le camp, les chaussées sont décollées, les maisons ravagées et les gens mouillés. Ce n’est pas sérieux tout ça. Ça excite la presse c’est tout.

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