Editorial

Mon oeil

L’entretien, en marge du Sommet arabe d’Alger, entre SM le Roi et Abdelaziz Bouteflika a duré deux heures. Rien n’a filtré sur cette rencontre. Sommes-nous entrés dans l’ère de la diplomatie du silence ? Probablement. Comme a dit notre très excellentissime ministre des Affaires étrangères, rapporté fidèlement par son homologue algérien : «On ne peut rien dire, de peur du mauvais œil.» Soit.
La peur d’un mauvais sort jeté par les adversaires du dégel algéro-marocain est apparemment une conduite prudentielle qui est, désormais, à la diplomatie maghrébine ce que le charlatanisme maraboutique est à la recherche fondamentale. Si cette nouvelle doctrine se vérifie, c’est sous l’égide de Bouya Omar qu’il va falloir dorénavant organiser les relations avec notre voisin de l’Est. Mohamed Benaïssa étant le mezouar de la zaouïa, celui qui bénit nos ministres plénipotentiaires et nos ambassadeurs enchaînés dans la grotte du saint miraculeux, en leur crachotant sur le visage. Un pain de sucre, une boîte de thé vert, 10 mètres de tissu rouge, un poulet noir, un bouc puceau, une bonne dose de salive sanctifiée et le problème est réglé.
Les frontières vont s’ouvrir, nos compatriotes emprisonnés à Tindouf libérés, la marocanité de notre Sahara consacrée et l’Union algéro-marocaine, moteur à quatre réacteurs de l’UMA, mise en orbite. Le benjoin, le bois de santal et le lait de chamelle pubère seront obligatoires lors des réunions de toutes les Commissions mixtes. On y viendra par contrition unioniste sur les genoux en se flagellant avec des lanières de peau de zébu et en déclamant des extraits de la sourate de La vache. Celle qui rit, bien sûr, de nos malheurs passés, du temps perdu, des générations sacrifiées, et des occasions ratées.
Mohamed Benaïssa en transe conduira, bien évidemment, la procession en gandoura orange, en ceinture jaune, en chapeau pointu parme et babouches noires, portant un lourd encensoir en cuivre travaillé à la damascène. Il chassera ainsi le mauvais sort et l’œil maléfique qui frappent notre diplomatie et qui annihilent toute tentative de rapprochement avec le pays de Sid El Houari.
Cent vingt minutes et rien n’a filtré. Avec ça, allez faire un papier de bilan ou de perspective. Quand rien ne filtre, il faut quand même écrire après avoir fait ses ablutions et invoqué les sept Saints de Marrakech, Moulay Bouchta El Khamar, Sid El Kamel, Sidi Abdeslam Ben M’chiche et Moulay Abdelaziz Bouteflika Moul Saroute (l’homme à la clé pour les laïcs). Que Dieu vous préserve vous et votre progéniture, votre ascendance et votre descendance, vos amis et vos alliés, du mauvais sort. Pour le service après-vente, la liturgie et la protection contre les démons insidieux, adressez-vous à Mohamed Benaïssa -que son pontificat dure- il a ce qu’il vous faut. Lui, il ne crache jamais dans la soupe.

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