Editorial

«Papa fait mal»

Moi, cette affaire du père présumé incestueux à Rabat et qui a été mis sous les verrous par le juge d’instruction de la Cour d’appel, ne me dit rien qui vaille.
L’affaire de la fille de 10 ans, dont le père aurait abusé pendant six années de suite et qui ne vient devant la justice qu’aujourd’hui me pose un problème. Un gros. Pourquoi aujourd’hui ?
La parole d’un enfant n’est pas l’Evangile. Cela, on l’aura appris avec une récente affaire en France où une dizaine de personnes innocentes ont été envoyées en taule, entre deux et quatre ans, et dont la vie a été brisée, uniquement, sur la base de dires d’enfants, souvent, sous l’influence d’adultes malintentionnés. La justice française a dû reconnaître son erreur et a déjà donné une avance aux victimes sur les dédommagements légitimes qu’elles attendent. Sur le plan moral, c’est un autre problème.
Un enfant peut parler vrai, exprimer une souffrance quelconque réelle, intime et attestée, mais cela ne veut pas dire qu’il dit la vérité. Mais, quand, comme dans le cas français, les experts dérapent dans leurs analyses, ce sont des innocents que l’on détruit.
Quand la fille d’un officier de police français, bien sous tous rapports, a dit à sa maîtresse d’école : «Papa fait mal», c’est l’assistance sociale qui a été saisie. Les psychologues, les experts de tout poil, et, finalement, le juge ont suivi. Le gars a été arrêté et son cauchemar a duré près de deux ans. Finalement blanchi, il a écrit un livre et il passe ces derniers temps à la télé pour expliquer son enfer.
Chez nous, cette affaire invite à la prudence. Des questions, il y en a, à la pelle. La justice devra y répondre. Six années d’abus sexuels supposés, pourquoi ne sont-elles dénoncées qu’après la séparation du couple ? Et, pourquoi, précisément, depuis que le divorcé a décidé de refaire sa vie. Il nous faut des réponses. Si ce n’est pas la vengeance personnelle d’une femme délaissée, c’est au moins pendant six ans une non-dénonciation d’un crime, ce qui met la mère dans une situation de complicité manifeste. Où est la vérité ? La justice fera son travail. Et, nous, nous faisons le nôtre en posant des questions.
On doit toujours écouter un enfant. Mais doit-on forcément toujours le croire ? Les scientifiques invités par le Garde des Sceaux français à travailler sur ce dossier ont beaucoup avancé. Les procédures du Code pénal français sont en cours de révision pour que la parole de l’adulte incriminé bénéficie d’autant d’écoute que celle de l’enfant.
Maintenant, ce que nous pouvons tout de suite faire, dans une sérieuse mobilisation nationale, c’est lutter frontalement contre la pédophilie dans notre pays. Lutter de toutes nos forces contre la prostitution des mineurs, surtout quand ce crime contre l’innocence sert de levier à un tourisme sexuel honteux, connu et sciemment occulté. Et ne faisons pas, tous, de l’affaire de Rabat l’arbre «moral» qui cache la forêt de nos multiples compromissions.

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