Quand on croise une idée, on est vraiment ravi. Une originale, bien sûr. Sinon, le reste du temps, nous sommes une société qui recycle plus qu’elle ne crée. Le recyclage est un appauvrissement -sauf, peut- être, dans le domaine nucléaire- de la matière d’origine. Mais dans le monde des idées, il est, effectivement, une forme de création au rabais, à la noblesse hésitante, même si elle peut revêtir, parfois, mais rarement, les traits légitimes d’un grand art. L’expression : «un débat d’idées», n’a jamais eu chez nous un sens profond. D’abord, parce que les termes du débat sont un mystère, une grammaire indéfinie. Et, ensuite, les idées sont tellement rares que quand on en trouve une, elle est insuffisante pour nourrir un débat. Il faut au moins deux personnes et deux idées. Ce qui est, franchement, rare. L’expression elle-même prête, sur le plan formel, le flanc à la critique. Elle renvoie à un pléonasme qui aurait du mal à s’assumer en tant que tel. Car il ne peut y avoir de débat sans idées. Débattre implique d’emblée l’existence, réelle ou supposée d’idées. Le débat étant, justement, là pour le démontrer. Mais, bizarrement, chez nous, cette exigence n’est pas partagée. C’est pour cela que nos débats sont, intellectuellement, assez pauvres.