La dernière mode en ville quand le sujet du Sahara marocain est abordé est de jouer à celui qui dira le plus vite d’un air pénétré : «Le dossier a été très mal géré.» Celui qui annonce ex abrupto cette sentence coupe, bien évidemment, l’herbe sous les pieds de tous les autres qui se trouvent rapidement marris. La sentence exonère de toutes les analyses. La vitesse vaut pertinence. Et le sujet est troussé en 1/10ème de seconde. Le visage huileux, les yeux révulsés et le rictus bavant du locuteur heureux signent une victoire sans appel. Une platitude à zéro, balle au centre. Il n’y aura pas débat cette fois-ci encore. Bien, passons à autre chose. Et le derby casablancais de Rabat qu’est-ce que tu en penses? Et le hooliganisme des députés de la deuxième Chambre? Et la loi de Finances qui est un vrai rayon de soleil dans les ténèbres du désespoir? Et 2007 ? Et la nouvelle loi électorale à 0% de matière grasse ? Et Ségolène Royal, une nunuche devenue potiron devenu carrosse ? Et Beit Hanoun ? Et les malheurs de Jet4you en Belgique ? Et le CORCAS ? Et l’Algérie à qui Bouteflika manque déjà, et si fort ? Pour chaque sujet, l’impudent récidive. «Le dossier a été très mal géré.» Le type a trouvé sa réplique mortelle. Son couteau suisse intellectuel. Sa réponse à tout. Sa profondeur spirituelle. Et sa largeur idéologique. On va en souper pendant tout l’hiver.