«Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui, en conséquence, est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ?» Il n’y a rien à lui répondre; après vous avoir envoyé en enfer, il est déjà sur le chemin du paradis. Tous les intégrismes, les extrémismes, les fanatismes fonctionnent, encore, sur ce modèle. Aujourd’hui comme hier, la mécanique est la même et son effet dévastateur sur les esprits est identique. La peste de l’âme –c’est-à-dire le fanatisme – a été observée, décrite et analysée par Voltaire en 1764 dans son Dictionnaire philosophique. La fraîcheur de son texte et son actualité nous laissent sans voix : «Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un fanatique novice qui donne de grandes espérances; il pourra bientôt tuer pour l’amour de Dieu.» À croire que Voltaire connaissait déjà, assez bien, les visions de Abdeslam Yassine – ce qui est fort probable à ce niveau de pertinence et d’exaltation philosophique.