La démocratie doit garantir le pluralisme. Dans des démocraties naissantes, ou à consolider, comme la nôtre, cet axiome de base revêt un caractère impérieux. En dehors de ce postulat, on tombe dans des expérimentations, certes utiles, mais essentiellement hasardeuses. On ne peut pas au nom d’une efficience politique supposée — et face à des carences au demeurant réelles — installer une sorte de pensée unique qui entend gérer un pays comme on gère une communauté religieuse. Un pays respire par ses différences, sa diversité, son pluralisme et, en même temps, il se nourrit des valeurs partagées et d’une volonté affirmée de vivre-ensemble exprimée sur une durée multiséculaire. Le jeu politique marocain dans son état actuel de déliquescence, et, en attendant sa reconstruction, glisse — du fait d’un certain volontarisme réformateur légitime mais débridé — sur une pente dangereuse. La question n’est plus de distinguer celui qui est contre les réformes de celui qui est pour l’immobilisme. Celui qui est pour la démocratie de celui qui est pour sa négation. Celui qui est pour la modernité de celui qui est pour la régression et le conservatisme. La nouvelle pensée qui se veut, elle, unique exige le ralliement avant le débat. L’exécution avant la réflexion. Et la fidélité à des hommes providentiels avant la liberté de conscience ou de choix. Nous ne sommes plus, alors, dans l’ordre de la conviction politique, des idées ou des engagements. Nous sommes invités à une nouvelle religion.