Le décès de Abdessadek Rabie, secrétaire général du gouvernement marquera certainement un tournant dans la pratique, et le rendement, de l’exécutif marocain. Abdessadek Rabie, un juriste accompli maîtrisant toutes les facettes du droit, a pendant, au moins, quinze années façonné le Secrétariat général du gouvernement (SGG). Il a fait de ce carrefour «institutionnel» qu’est le SGG, en amont, un lieu de veille, de validation, de certification, de correction, et, parfois, de temporisation, de la production législative marocaine. Il donnait l’impression qu’il veillait seul — une solitude emblématique — à la légalité et à la constitutionnalité des lois. Une sorte de poste avancé du Conseil constitutionnel. Il a démontré à des générations de responsables marocains que le temps du droit s’accommode peu de la fébrilité, de l’urgence ou de la soudaineté. Abdessadek Rabie a démontré, également, que quand on est au service d’un Etat, le droit se doit d’avoir sa propre respiration loin des faux enthousiasmes ministériels, des frénésies politiques ou médiatiques. L’homme avait un tempérament. Un caractère, comme l’on dit. Il a façonné la fonction autant que la fonction l’avait façonné. Rien qu’à l’évocation de son nom, beaucoup de juristes de nos ministères tremblaient devant leurs copies. Ils savaient qu’ils avaient en face d’eux un professeur, un maître, rigoureux, tatillon, parfois intraitable, mais toujours minutieux et méticuleux. Les qualités de Abdessadek Rabie seront très difficiles à retrouver. Il n’est pas facile de trouver un homme de tempérance et de sérénité qui maîtrise une très large palette du droit — non réductible à une spécialité étroite et technique — et qui soit capable de créer autour de lui, dans la générosité intellectuelle, une dynamique de compétences pour accompagner avec intelligence les ouvertures stratégiques et les transformations fondamentales que vit notre pays.