Naturellement, les commentateurs politiques, lors des derniers évènements de Sidi Ifni, ont montré une forme de bienveillance «objective» à l’égard des émeutiers. L’argument de qualité avancé était que l’Etat — toutes choses étant égales par ailleurs — doit toujours, tout le temps, et c’est son devoir, assumer ses responsabilités à l’égard de populations qui se considèrent comme étant marginalisées, oubliées, méprisées, etc. Les émeutes agissant dans ce type de cas comme des syndromes d’une mal-vie plus profonde dont il faut absolument tenir compte. Cette approche — ou cette lecture libérale — bienveillante ne résiste plus, aujourd’hui, à la répétition des désordres, à leur montée en puissance, à leur systématisation et à la professionnalisation des actions. Manifestement, ce n’est plus une population en colère qui exprime son désarroi face à un non-développement durable. C’est, plutôt, une avant-garde révolutionnaire, une élite combattante qui dans le cadre d’un rapport de force idéologique veut en découdre avec l’Etat — et pas uniquement au niveau symbolique. La tentative, lors des dernières émeutes, de brûler dans sa voiture de fonction un agent d’autorité — un représentant de l’Etat, donc — prend plus de sens et de densité maintenant. Le passage de la contestation légitime de nature politique, syndicale ou citoyenne à une révolte structurée, organisée, permanente et, parfois, financée est un processus suffisamment connu pour qu’il puisse passer inaperçu. Les Tansikiates (les coordinations) animées essentiellement par des gauchistes de Annahj, Attac, etc., constituaient l’expression d’une volonté de ne pas laisser le champ de la contestation sociale aux seuls islamistes. Le ministère de l’Intérieur à l’époque semblait, pour ne pas dire plus, partager cette analyse. Et ce qui devait arriver, arriva. Trois gros dérapages : Sefrou, Figuig et Sidi Ifni. Et à la fin : infiltration des islamistes d’Al Adl Wal Ihssane de certaines Tansikiates. Le moins que l’on puisse dire est que le bilan est mitigé.