Editorial

Qu’est-il arrivé à l’Istiqlal ?

© D.R

Le splendide isolement politique de Abbas El Fassi a de quoi inquiéter. Le patron de l’Istiqlal, et son parti, semblent s’être complètement déconnectés des dynamiques politiques actuelles. Alors que les communiqués annonçant la création d’une large coalition parlementaire autour de l’USFP tombent à un rythme régulier, un silence, pesant et incompréhensible, est de mise du côté de Si Abbas El Fassi. Les petits communiqués, appelant à la patience, publiés par la presse du parti ajoutent plus au trouble qu’ils ne rassurent. Ils signent de fait une marginalisation, inédite et exceptionnelle, du parti de Allal El Fassi et de M’hammed Boucetta alors que ce parti, justement, a toujours été le coeur battant de la vie politique marocaine. Que s’est-il passé ? Quelles erreurs politiques ont été commises ? Et qu’a fait Abbas El Fassi du mandat des Istiqlaliens ?
On peut aisément imaginer que ces questions légitimes sont désormais posées, en dehors des observateurs, par les militants istiqlaliens eux-mêmes. Ils veulent savoir. Est-ce que la stratégie du soutien critique au gouvernement était la plus pertinente ? A-t-elle définitivement usé la patience et la disponibilité que pouvait avoir la coalition sortante envers l’Istiqlal ? Ne fallait-il pas, en toute logique, carrément quitter le gouvernement lors du remaniement ministériel ?
L’entrée au gouvernement, à un rang assez subalterne, de l’auteur de la théorie du soutien critique, le Secrétaire général du parti, n’était-elle pas un acte incohérent et une erreur stratégique que l’Istiqlal paie actuellement ? Et comment, finalement, un parti à vocation majoritaire, de gouvernement, se retrouve, après une assez belle victoire aux législatives, exclu des négociations politiques cruciales pour le pays ?
Tout cela est assez troublant et ne peut s’expliquer uniquement par une théorie du complot contre l’Istiqlal, ou par l’existence d’un axe du mal «inspiré d’une manière égale par une sensibilité de l’USFP et par des centres d’intérêts au sein de l’Etat» qui agirait contre le parti de Abbas El Fassi. Il faut aller chercher plus loin dans la complexité, et réexaminer la stratégie personnelle poursuivie par Abbas El Fassi pour comprendre ce qui arrive, aujourd’hui, à l’Istiqlal.
Ce travail-là, dans un premier temps, il vaut mieux le laisser aux militants et aux cadres du parti eux-mêmes. Déjà des voix discordantes se font entendre. Celles, habituelles, que l’on connaît et de nouvelles. Et chacun a ses raisons propres. Il y a ceux qui considèrent, à la différence du Secrétaire général, que l’Istiqlal ne peut pas partager les mêmes valeurs que le PJD et considèrent toute alliance avec ce parti comme une faute grave. Il y a également ceux qui pensent que Abbas El Fassi a très tôt enterré le consensus qui a prévalu lors de la constitution du premier gouvernement de l’alternance et que, de ce fait, ses ex-alliés sont libérés, pour l’avenir, de tout engagement à son égard. Ils ne peuvent pas forcer l’Istiqlal à s’asseoir, malgré lui, à la table d’un nouveau consensus dans lequel il aurait pu faire valoir utilement son nouveau poids électoral. Et, finalement, il y a ceux, plus nombreux, qui estiment que Abbas El Fassi a cumulé les erreurs stratégiques et les fautes politiques qui font qu’aujourd’hui l’Istiqlal soit privé de nombreux cadres jeunes, compétents et honnêtes de la ministrabilité au service de la réalisation des réformes pour cantonner, alors que le pays vit une période démocratique intense sans précédent dans son histoire, le parti incontournable dont il a hérité aux travées d’une opposition iconoclaste en compagnie du PJD. Il est effectivement assez rare de constater qu’un parti transforme de manière si spectaculaire une victoire législative en défaite politique.

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