Editorial

Qui a blessé Larbi Belkheir ?

Son excellence Si Larbi Belkheir aurait, semble-t-il, selon des sources sérieuses et concordantes, des problèmes avec Aujourd’hui Le Maroc. À la bonne heure. Cela, bien évidemment, flatte énormément notre fausse modestie et honore avantageusement notre publication. On ne va pas bouder ce plaisir aussi rare que précieux. Le célèbre général algérien nommé récemment par son président, ambassadeur à Rabat n’a pas aimé, mais alors pas du tout, la publication en 10 épisodes par ALM du rapport du MAOL (Mouvement algérien des officiers libres) sur l’assassinat du président Mohamed Boudiaf. C’est vrai que son nom y est cité moult fois mais nous y sommes pour rien.
Si Larbi a une carrière qui parle pour lui. À l’algérienne. C’est-à-dire qu’on y trouve le tout et son contraire. Et souvent plus le contraire que le tout. En fait, la vie et l’œuvre d’un général algérien normal n’est pas une partie de plaisir. Ni pour lui, ni, surtout, pour ses adversaires. Mais que Larbi Belkheir se sente blessé par notre publication, cela n’est pas très glorieux. Un général blessé cela n’existe pas dans les mythes fondateurs de l’armée algérienne. Soit le général est mort au front et c’est un héros. Soit il est mort dans son lit, à la retraite, alors c’est un planqué qui déshonore les martyrs. Soit il est mort assassiné et c’est en gros un traître à un groupe, ou à une cause dont on ignore tout. Blessé, non. Il n’ y a pas ça dans le catalogue ou c’est, déjà, achevé.  
Larbi Belkheir aurait pu dire, j’ai été affecté. Mais, dans la bouche d’un militaire, même de haut rang, le sens de ce verbe a rarement une valeur émotionnelle. La valeur est plutôt opérationnelle. On peut être affecté à une garnison, à un commandement, à une wilaya, à un poste etc. Mais on ne peut pas être personnellement affecté même si on a un sérieux piston. On ne peut être affecté qu’à un lieu ou à une charge (!)  et non pas par quelque chose.
Mohamed Boudiaf, lui, n’a pas été blessé. Sinon, il aurait été achevé selon les conditions de vente du catalogue. Le président algérien a juste été affecté – dans le dos –par une rafale de fusil-mitrailleur et par la charge, concomitante et simultanée, d’une grenade. Ce qui est resté de lui était dramatiquement un peu froissé. 
Larbi Belkheir, dans toute sa longue carrière, n’a jamais fait dans la sensiblerie. Les Algériens n’en font pas d’une manière générale. Ils laissent cette caractéristique un peu féminine pour eux aux Marocains et parfois, aux Tunisiens. La sensiblerie marocaine poussera un Marocain blessé à écrire un poème en hommage à son agresseur. Par un contre un Algérien fier, courageux, brave, digne, homme et demi, et mâle, s’il est blessé, il préfère s’auto-achever pour écrire une nouvelle page de gloire que demander un papier et un stylo pour faire des vers. C’est comme ça. Il paraît que c’est unique.
Mais si Larbi Belkheir commence à être sensible, c’est peut-être  parce qu’il est le plus marocain des généraux algériens. Ou peut-être encore parce qu’il s’entraîne sérieusement pour son nouveau  poste à Rabat. Ou, peut être, finalement, pour éviter de montrer qu’il a été blessé par cette affectation. Mais entre nous, il n’a pas de quoi faire sa chochotte, il vaut mieux finir sa carrière  comme ambassadeur à Rabat que comme  un macchabée flingué lâchement dans le dos sur une estrade de salle de fête de province.

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