Editorial

Si vous avez soif, votez pour la théière

© D.R

Cette fois-ci, et nous n’en doutons point, le ministère de l’Intérieur doit entièrement assumer ses responsabilités à l’égard des profils des candidats présentés par les partis politiques pour les élections législatives du 27 septembre. Il serait dommage que des personnes mêlées notoirement à des affaires de drogue, de corruption, d’abus de bien sociaux, de chèques sans provision ou de malversations en tout genre puissent être validées en dernière instance sans que les pouvoirs publics n’agissent.
La course aux têtes de liste dans des positions éligibles a donné lieu dans certains partis politiques à des procédures sonnantes et trébuchantes scandaleuses. L’opinion publique s’en est légitimement émue car elle considère qu’elle a subi un grave préjudice. La manne corruptrice habituelle lui était réservée dans l’ancien mode de scrutin. C’était un droit acquis. Cette manne s’est déplacée aujourd’hui au sommet des formations politiques sans que nos électeurs, qui attendent sagement les élections pour améliorer substantiellement leurs revenus, y trouvent leur compte. Si le processus démocratique entérine comme cela des dénis de droit de cette sorte et de cette dimension, ou allons-nous ? Il n’y aura pas de démocratie sans une corruption démocratique. Qu’on se le dise. L’OPA qu’ont réalisée les chefs de partis sur le pactole national électoral porte un coup très grave au processus.
Le bulletin unique, la taille des circonscriptions, la veille de la justice et l’avarice manifeste des candidats, pompés en amont, ont tué la corruption électorale de proximité qui faisait le charme couru, la spécificité et le génie de nos opérations votatives. Si nous ne réagissons pas, nous allons perdre cette culture au profit d’un vote froid, sans ambiance et sans intéressement, comme de vulgaires Européens votant dans la grisaille et l’ennui des vieilles démocraties sans reliefs.
Puisque les ripoux veulent payer pour avoir des sièges immunisant, laissez-nous les saigner à la base. Cela a un nom scientifique et pompeux. C’est la redistribution sociale dans sa version démocratique et électorale. Quoi de plus beau qu’un ripoux soulagé de 5 millions de dirhams au profit de gueux, de va-nu-pieds, d’instituteurs, de consultants, de journalistes stagiaires, de médecins du public, d’ingénieurs diplômés-chômeurs de Koursk, de couples mixtes – heureusement d’ailleurs- et d’agents communaux qui ont le souci des petites gens ? C’est beau et c’est grand de taxer un ripoux. C’est sain et stimulant. Mais dommage. Nous leur avons appris la mendicité, il nous ont précédés aux grandes maisons.
Quand un chef de parti vole le pain de ses concitoyens de cette manière, il vaut mieux annuler le scrutin. Arrêter le processus. Annuler la transition. Et décréter l’état d’exception jusqu’à ce que la rivière retrouve son lit, la corruption son cours naturel et les électeurs leur bakchich.
Moi, je veux bien voter pour la théière, mais si je n’ai pas le thé, le sucre, la menthe et l’absinthe qui vont avec, à quoi ça sert ? Je voterai aussi pour la clé, mais sans la maison qui va avec, vous voyez le ridicule d’ici. Enfin, je me comprends…

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