Editorial

Un coup de fouet

© D.R

Il est incontestable qu’un vent de morosité s’est installé sur le pays. On dirait que le Maroc vit une situation dépressive similaire à celle que vivent les femmes après un accouchement. Les dernières élections législatives, le nouveau Parlement et les affres de la constitution et le démarrage, au ralenti, du cabinet Jettou sont des faits qui ne sont, apparemment, pas complètement étrangers à ce climat cotonneux mi-attentiste, mi-goguenard qui enveloppe le pays. L’hiver aidant avec son cortège de drames qui sont plus, chez nous, le produit de la faillite des hommes que de la rudesse de la nature, nous naviguons à vue dans un long tunnel brumeux attendant que quelque chose se passe. Or, il ne se passera rien. En tout cas de sérieux ou d’exaltant.
Aucun débat, fracassant et revigorant, susceptible de sortir la nation de sa torpeur hivernale n’est en vue. Ni le gouvernement encore engoncé dans un état de grâce qui dure, ni la société civile dont la critique de la classe politique, et des formations qui en sont issues, ressemble de plus en plus à un refus confortable, et désormais incompréhensible, de livrer le combat de la modernisation de la vie publique, n’arrivent à créer dans l’opinion collective un mouvement de sursaut crédible et salutaire.
La menace permanente du terrorisme international, l’imminence de la deuxième guerre d’Irak et le raffermissement impérial et étonnant de la vulgate intégriste dans le champ politique national contribuent lourdement à plomber le climat général. Là, ce n’est plus de l’absence de visibilité qu’il s’agit, mais il est plutôt question de l’excès de celle-ci.
Dans le chantier à ciel ouvert qu’est le Maroc en ce début frileux de législature, il est évident que l’animation économique du pays et la relance de la confiance incombent d’abord au gouvernement qui doit tout faire pour que ses projets soient mieux connus, que ses objectifs soient plus mobilisateurs et que sa communication soit claire et limpide. Plus que toutes les autres considérations internes et externes, les modalités de la réforme et du changement relèvent strictement de la capacité du gouvernement à créer des dynamiques durables.
Malheureusement, l’horizon des élections communales, en Juin 2003, n’est pas, de l’avis des observateurs, un horizon heureux. En dehors des nécessités du calendrier électoral, ni la pertinence politique, ni la dimension économique de cette échéance ne sont positivement perçues. Ces élections, manifestement, ne serviront à rien, sauf à livrer de nouveau nos villes et nos communes à un personnel politique local honni, incompétent et usé par la corruption ou, dans le cas de figure le plus probable, à des majorités communales massivement islamistes. Dans l’un ou l’autre cas, ou dans les deux cas ensemble, le coût du traumatisme électoral sera faramineux alors que le pays a surtout besoin, dans la conjoncture actuelle, moins d’une année électorale supplémentaire inhibitrice et hasardeuse que d’un véritable coup de fouet qui libère toutes les énergies créatrices.
Les collectivités locales, toutes ressources confondues, nous coûtent par an, valeur 1995, 100 milliards de dirhams; il n’est plus évident qu’elles aient encore la légitimité nécessaire pour continuer à gérer cette somme colossale alors que l’échec moral et politique de pratiquement tous les élus locaux est avéré. Sans une vraie pause, refondatrice et exceptionnelle, dans la vie communale, pour la mise à niveau du territoire, on continuera à jeter, massivement, l’argent public dans les poches de mafias régionales qui dévoient dangereusement, chaque jour un peu plus, la démocratie locale.

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