Editorial

Un petit vent de liberté

Actuellement, il est incontestable que le Maroc attire beaucoup d’investisseurs étrangers. La plupart sont sérieux, crédibles et ont de véritables projets. Ils viennent chez nous pour la bonne et simple raison que cela sert, d’abord, leurs intérêts. Il n’y a aucune forme de philanthropie là-dedans. Notre pays de son côté en profite également et d’une manière générale arrive à faire en sorte que les intérêts des uns et des autres soient protégés et encadrés par des dispositifs réglementaires assez clairs.
Vous vous doutez bien que ce n’est pas ce type d’investisseurs qui m’intéresse ici. Non, les plus remarquables ce sont les autres. On en attire pas mal ces derniers temps et il ne sont pas qu’à Marrakech. Les filous, les escogriffes, les aigrefins, les arnaqueurs et j’en passe. L’existence de cette faune ne me pose pas de problèmes particuliers. C’est l’affaire des pouvoirs publics. Qu’ils se débrouillent. Quand on a de solides lettres de noblesse dans l’embrouille et que de surcroît on est traqué par la moitié de la flicaille mondiale, on vient au Maroc monter une affaire comme on monte une jument. Ce n’est pas sérieux. Mais tout cela reste quand même assez petit.
Ce sont les gros qui sont les plus attendrissants. En général, ils sont un peu plus cultivés. Plus fins et plus sophistiqués, ils argumentent autrement. Ça commence toujours avec : «les Marocains sont des êtres charmants et gentils.» C’est complètement faux. Nous sommes aussi effroyables, crasseux et exécrables que les autres. Et quand le type attaque comme ça à la flatte, il faut faire très gaffe. Ensuite il balance : «J’aime bien le vent de liberté qui souffle sur votre pays. Le processus démocratique avance vachement bien.» Là, il faut s’énerver. Le gars, il ne pige que dalle, et en plus il ramène sa fraise. Le petit vent qui souffle, ce n’est pas encore la grosse turbine. Et on ne dit pas petit vent, ce n’est pas correct. Quant au processus, c’est vrai qu’il est parfois vache, mais ce sont nos affaires. Mais ce n’est pas fini, il continue : «Je veux vraiment contribuer à améliorer l’image du Maroc et soutenir l’action de la monarchie.» Le type est en train de ferrer. Il a lâché sa carte maîtresse. N’importe quel Marocain de base à ce moment précis sait qu’il a affaire à un escroc. C’est indubitable. L’Histoire récente a montré qu’il y a une solide corrélation entre ce type de discours sur l’image et des escroqueries multiformes. Tout le monde à un moment ou à un autre a mis la main à cette pâte-là.
Après, pour être précis et réaliste, vous demandez au gars quelle est la nature de son projet. Et là, c’est imparable. Genre : «Si le Maroc me vend la ville d’Azemmour au dirham symbolique, j’en ferai le bijou de l’Atlantique.» Avec ou sans les habitants ? Et Moulay Bouchaïb Reddad ? «Je trierais, je trierais…» Tu ne veux pas Essaouira pour un dirham de plus ? «J’aviserai, mais un dirham de plus c’est un peu beaucoup. Les deux à 1dh 50 peut-être… mais ne lésinez pas sur les Gnaouas. Allez-y…»
Ce n’est ni de la caricature, ni de l’exagération. ça existe et on appelle cela des investisseurs. Souvent ils sont cornaqués par un Marocain du cru. Lui, il offre par patriotisme l’assistance technique, le carnet d’adresses, le tajine et les compliments d’usage. On ne sait jamais, ça peut marcher. Plus c’est gros et mieux ça passe.

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