Editorial

Une bagarre bien administrée

© D.R

Quand un ministre en fonction se bagarre, comme un chiffonnier, avec son planton, cela donne un acte administratif en bonne et due forme physique. Quand, d’un autre côté, un ministre donne une bonne correction à son secrétaire général pour une mauvaise répartition des voitures de fonction cela est, sans conteste, et selon mon expérience professionnelle, un acte de légitime défense. Cela s’est passé, jeudi dernier, en Guinée équatoriale entre, dans le premier cas, le ministre des Affaires étrangères, Nsobeya Efuman, un copain certainement de Mohamed Benaïssa, son homologue national, et un planton dudit ministère. Il y a eu aussi, dans le même pays, l’échange de coups de poings entre deux ministres en plein conseil inter-ministériel.
C’est vrai que la vie d’un ministre n’est pas de tout repos. Mais quand un ministre casse la gueule à un collègue ministre ou mieux à un secrétaire général c’est le gouvernement qui fait montre de dynamisme. Les nôtres ne se bagarrent jamais. C’est triste. C’est une absence manifeste de dynamisme, de vitalité et de fougue. Je connais au moins un qui peut aisément corriger, en public, s’il en avait la force politique et le courage intellectuel, son secrétaire général. C’est Fathallah Oualalou, notre ministre des Finances. Mohamed Moussaoui, m’a-t-on rapporté, peut aussi en faire autant avec son secrétaire général. Mais au fait j’en sais rien.
Un gouvernement qui se fout sur la tronche est un gouvernement ambitieux, qui porte un projet pour la nation et qui a la fougue nécessaire pour le réaliser. Le gars du Tourisme casse la gueule au gars des Finances pour un projet bloqué par des bureaucrates lâches qui ne se bagarrent jamais. C’est une victoire de l’économie nationale et patriotisme réunis. Si c’est le même ministre qui occupe les deux postes, il faut au moins qu’il nous offre une petite auto-mutilation pour nous témoigner de sa bonne foi nationale. Il s’enlève une sur deux comme gage de virilité dans son travail ministériel. Avec le reste, des molaires s’entend, il pourra continuer à mâcher le boulot pour nous.
Ahmed Lahlimi on peut très bien le voir, également, en train de mettre la tête au carré à toujours Fathallah Oualalou, c’est sa fonction qui veut ça. Quand on n’a rien à offrir sur le budget, il faut être prêt à encaisser des gnons de ses collègues. Lahlimi, lui, il se fera certainement aider de deux plantons auxquels il aura déjà cassé la gueule auparavant dans un beau geste de moralisation de la vie publique. Maintenant, il y en a un que tout le monde a envie de frapper. Non, ce n’est pas Abdelkrim Benatik, notre sous-secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, il ne fait pas encore le poids.
Pour se bagarrer il faut déjà avoir, au moins, un planton, un secrétaire général ou un collègue ministre qui vous veut du bien . À l’heure qu’il est, il n’a rien de tout ça, donc il ne risque rien. Tous les Marocains savent que pour se faire voler il faut au moins avoir un portefeuille, ce n’est pas le cas de Si Abdelkrim, ce qui le met à l’abri de beaucoup de déboires.
Celui, que tout le monde a, effectivement, envie de rectifier à l’équato-guinéenne c’est bien Abdessadek Rabii, le secrétaire général du gouvernement. Après Oualalou, et peut être Lahlimi, c’est lui qui capitalise sur sa frêle et coquette personne la haine du Conseil. Quand ça tarde, ça bloque, ça se refuse, ça se rejette, ça prend son tour, ça va à la corbeille, ça disparaît…c’est lui. Il est l’excuse rêvée de tous les mauvais rédacteurs de texte, de tous ceux qui font peu de cas des règlements, des lois, des procédures, de la constitution. C’est de lui que ça vient le blocage, mais jamais d’un universitaire hâtivement recyclé en «cabinard» qui pond des projets de lois comme il éructe. C’est toujours M. Rabii qui n’a pas compris le sens «quintescent» de sa pensée, la valeur réformatrice de sa démarche luthérienne, et l’approche synallagmatique de son discours de posticheur. Oui, tout le monde dit du mal de M. Rabii. Je le sais parce que l’ai entendu. Alors maintenant après ce qui s’est passé chez nos amis africains, je ne suis pas un équatologue pour autant, mais j’ai peur pour monsieur Rabii.
Il doit se méfier de tout le monde. De son planton d’abord. De son secrétaire général, il doit en avoir un aussi, mais aussi des ministres. Ils peuvent tout lui mettre sur le dos: le frein de l’alternance, le «ferodo» du changement, l’obstacle majeur à la vie meilleure, le comploteur contre le mouvement national, l’ennemi du progrès, le faiseur de sondages, le fossoyeur de l’élite progressiste – celle qui est toujours sur le chemin – et l’empêcheur de présenter des bilans honorables. Si avec tout ça il ne reçoit pas une raclée bien administrée c’est qu’il y a encore dans ce pays des gens de bonne famille. Et c’est ce qui nous sauve un peu. Mais jusqu’à quand…

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