Editorial

Vive la territoriale !

© D.R

Le Maroc entre dans l’ère du show-business administratif. C’est un grand pas en avant. Une mise à niveau spectaculaire de notre administration. En paillettes et en strass. En costume d’apparat et en uniforme de cérémonies. C’est un vrai plaisir des yeux.
Après la soirée des Jamours, la grande nuit étoilée des Walis d’or. Des Gouverneurs d’argent et des caïds de bronze. «Mesdames et messieurs sont nominés cette année dans les Walis d’or pour la catégorie assainissement solide, Driss Benhima pour la décharge de Médiouna, Lahoucine Tijani pour Aïn Kadouss, et Mohamed Hassad pour Bab Doukkala». Roulements de tambours. Suspense administratif assorti d’un léger droit de réserve. Et une infime peur du gendarme. «Le gagnant pour cette édition de 2005 est Driss Benh…..». Applaudissements à tout rompre. La salle se lève. Une larmichette subrepticement coule sur la joue de l’intéressé qui se lance dans une démarche chaloupée, rythmée par les cuivres du Jazz Big Band de l’Inspection générale des Finances, vers la tribune d’honneur où l’attend Driss Jettou en compagnie de Mouna Fettou, Majida Benkirane, Houda Belhadj, Saida Baâdi, Samia Akariou, et Asmae Khamliche.
Notre ami visiblement ému saisit le micro de la main droite tout en faisant glisser son Wali d’or, étincelant sous les projeteurs, vers la main gauche et dit : «Excusez-moi, je suis tout retourné. Je ne m’attendais vraiment pas à cette distinction qui m’honore ainsi que toute la profession. Je pense très fort à tous ceux qui m’ont aidé dans ma tâche, à mes parents, à ma famille et à mes copains de polytechnique. Je suis vraiment touché…».
Sous un tonnerre d’applaudissements citoyens, de sifflets de joie civique et cris démocratiques, Driss Benhima quitte, manifestement comblé, la tribune pour rejoindre sa place. Au passage, ses confrères moins chanceux le saluaient sportivement et amicalement. Quelle ambiance ! On n’avait jamais vu cela depuis la signature du Dahir de 1976. Quelle fête ! Ça c’est du spectacle, le Hollywood des collectivités locales, le festival de Cannes de l’administration territoriale, la Mostra de Venise de la chose publique, les Oscars des marchés publics et du CPC. La soirée des Jamours à côté de cette belle cérémonie ressemblerait à un enterrement, même si l’ambianceur s’appelle Hassan El Fad.
C’est formidable, nos super Walis de région jouent le jeu. Chaque année on les classe par Chiffres d’affaires, par montant d’investissement, par emplois créés, par dossiers réglés et mètres carrés d’espace assaini, d’espace vert créé ou de dispensaires ou d’écoles construits. C’est du chiffre objectif sans fioritures et sans démagogie. Les meilleurs Walis sont primés lors de la nuit des Walis d’or sans complaisance et avec la reconnaissance d’un talent dûment évalué. Vive la territoriale ! Bientôt, on aura droit aux élus de diamants.
Que les meilleurs avancent. Leur bilan est désormais chiffrable. Tremblez ô fainéants! Frémissez ô tricheurs ! Grelottez ô sécuritaires ! Frissonnez ô saboteurs ! Le temps de la mesure bat la mesure. L’ère de la statistique est advenu. Nous allons désormais savoir de quel bois ils se chauffent.

Articles similaires

Editorial

Déclic pour les retraites

La question des retraites figurera en bonne place sur l’ordre du jour...

EditorialUne

Courant continu

Un nouveau round du dialogue social vient de démarrer conformément aux engagements...

EditorialUne

Lois hors sol

Au grand dam des écologistes et autres députés défenseurs irréductibles de l’environnement,...

EditorialUne

Éditorial : Diplomatie parlementaire

La visite d’une délégation de députés américains au Maroc, relevant de la...

EDITO

Couverture

Nos supplément spéciaux