Editorial

Vive le Sénégal

Le Maroc et le Sénégal donnent, depuis quelques années, l’exemple d’une coopération parfaite entre deux pays africains. Nous sommes là, manifestement, en présence d’un modèle. Que ce modèle soit sous-tendu par des liens de sang indéfectibles, par des attaches spirituelles pérennes ou par une fraternité réelle, c’est un fait indéniable. Mais, ce qui est remarquable, en terre africaine, c’est que la mise en oeuvre de cette coopération bénéficie d’une constance, d’une continuité et d’une stabilité que l’on retrouve rarement dans le continent.
À l’horizontal, au niveau maghrébin, les mêmes données objectives peuvent exister entre les peuples de la région. Mais, cela ne donne, tristement, rien. Que tout ou presque soit en panne, ce n’est plus important, car cela fait des décennies que cela dure. Chaque pays du Maghreb a appris – ce qui est extraordinaire dans une région de cette taille – à vivre sans les autres. En quelque sorte, ils ont, tous, désappris à vivre ensemble. Mais plus que ce désamour, c’est la persistance de la haine qui est le trait caractéristique de ce naufrage collectif.
Par contre, au niveau vertical, l’axe Rabat-Dakar fonctionne très bien. Le poids de la Mauritanie dans cet axe est significatif. Jamais, depuis le départ du Maroc de l’OUA – à cause de la trahison des frères – le rayonnement du Maroc en Afrique n’aura été aussi fort, aussi généreux et aussi pragmatique. Même avec l’Afrique du Sud, une nation africaine d’importance, nous pouvons valablement espérer, notamment dans le dossier de notre Sahara, un retour de l’objectivité, de la neutralité et du souci de l’avenir parce que, justement, ce pays, comme le nôtre, a un grand rôle a jouer dans un continent déchiré.
Un intellectuel sénégalais, le Professeur Babacar Diallo, appelle le Président Wade à entreprendre une médiation entre l’Algérie et le Maroc, non pour des raisons idéologiques, mais pour sauver un grand projet comme le Nepad. Il demande aussi au président sénégalais d’oeuvrer pour le retour du Maroc dans l’Union Africaine, tellement la contribution de notre pays dans la conjoncture difficile que traverse le continent peut être utile. Cette analyse du Professeur Diallo est frappée du sceau de l’intelligence. C’est la force de cette analyse et, en même temps, sa faiblesse. Le continent africain n’est plus celui de la sagesse. Il n’est pas non plus, actuellement, celui de l’intelligence.
La souillure par le sang du génocide de la région des Grands lacs, le suicide collectif ivoirien, la procession morbide des guerres civiles, des famines, des épidémies, des actes de violence contre les hommes et leurs droits sont, aujourd’hui, la réalité de notre continent. Je doute fort que la voix de l’intelligence puisse être entendue dans ce vacarme de la haine et de la désolation.
Le Maroc, depuis 30 ans, vit avec un voisin qui conteste son intégrité territoriale, en armant et en entretenant sur son sol des séparatistes au service de ses fantasmes hégémoniques. De ce fait, ce voisin bloque, en nous imposant un état de guerre larvée, la construction d’un ensemble régional cohérent qui peut avoir tout l’avenir devant lui. Face à cette réalité incontournable, peut-il y avoir entre le Maroc et l’Algérie une forme d’intelligence possible ? Personne, aujourd’hui, n’en voit les prémices. Ainsi va le Maghreb et ainsi va l’Afrique…

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