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Gérard Carton : «La digitalisation est avant tout l’instrument de la performance et de la croissance»

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Entretien avec Gérard Carton, fondateur du Groupe GCCG, expert, écrivain

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La digitalisation de la fonction formation est à la fois un formidable outil de baisse des coûts des formations, mais présentant un risque de diminution de la qualité et de l’efficacité des formations.

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ALM : Quels sont les enjeux de la digitalisation sur la fonction RH ?

Gérard Carton : Le plus grand des enjeux est celui de la maîtrise des cinq risques associés à la digitalisation, à savoir l’intensification et l’accélération du travail, l’affaiblissement des relations interpersonnelles, l’overdose d’information, un contrôle renforcé qui pourrait réduire l’autonomie des collaborateurs, le brouillage des frontières entre vie personnelle et professionnelle, la sécurité-confidentialité des informations. En corollaire, parce que la fonction RH est indissociable des aspects humains et socio-psychologiques, la transformation-modernisation par la digitalisation induit un mode relationnel différent et donc un modèle de travail nouveau à construire.
Enfin il existe un enjeu fondamental: concevoir et mettre en œuvre une stratégie de digitalisation qui décide des outils à utiliser, et non pas partir des outils en digitalisant par «touche». L’erreur la plus fréquente est de digitaliser à partir des outils au lieu de définir une stratégie et de choisir les outils adaptés en veillant à leur compatibilité.

Quels sont les principaux changements qu’a connus cette fonction ces dernières années ?

La fonction RH était initialement une fonction administrative, et dans la plupart des pays sa première fonction était d’assurer la paye et gérer les absences. La partie administration des RH est restée centrale dans l’organisation RH, et ce n’est que ces dernières années que la mission d’accompagnement de l’entreprise s’est développée, avec comme axes premiers la formation et le recrutement. Plus récemment on a vu émerger des fonctions complémentaires sur le bien-être au travail, la réduction des risques psycho-sociaux, et les «business partners», ces responsables RH au service des unités commerciales et opérationnelles associés à la réflexion et à la recherche de solutions en anticipation des challenges de ces unités.

Quels sont les types d’outils qui ont été digitalisés pour permettre à la fonction de se développer ?

La paye, la plus ancienne fonction des RH, a été la première à être digitalisée, et elle est, dans beaucoup d’entreprises, en avance sur toutes les autres fonctions de l’organisation RH. Le recrutement et les entretiens annuels, la fixation des objectifs et relevés de performance ont suivi, et bien sûr la formation est activement digitalisée depuis trois ans, selon une courbe exponentielle. La digitalisation de la fonction formation est à la fois un formidable outil de baisse des coûts des formations, mais présentant un risque de diminution de la qualité et de l’efficacité des formations.
Le plus parlant des exemples est celui des webseminars en remplacement des sessions présentielles, avec des participants qui au lieu de se concentrer sur le séminaire remplissent d’autres tâches. Il existe, aujourd’hui, des outils digitalisés sur le recrutement qui vont de l’identification des profils de candidats potentiels, au contrôle des CV en particulier sur les diplômes déclarés, et des robots qui envoient les demandes d’information aux précédents employeurs. La digitalisation des mesures de climat social est en marche, avec l’utilisation d’objets connectés initialement conçus pour mesurer l’environnement physique de travail (température, bruit…).

Quelles sont les conditions de réussite d’une digitalisation des outils RH ?

Comme évoqué ci-dessus, concevoir au départ une stratégie de digitalisation sur la base de priorités claires. Réussir c’est atteindre des objectifs. Il faut qu’ils soient clairs, précis et inscrits dans le temps.
Veut-on avant tout favoriser l’innovation, réduire les coûts, accélérer les traitements, fiabiliser et simplifier les process ? Il n’est pas raisonnable de vouloir tout faire en même temps, et il est préférable de progresser par paliers, en se donnant le temps et les moyens en fonction des objectifs décidés. En synthèse, définir une stratégie, avec des objectifs clairs, allouer les moyens pour les obtenir, et sélectionner des outils compatibles entre eux permettant aussi un recueil de données et leur exploitation intégrée. Le Big data appliqué aux RH se profile de façon de plus en plus précise.

Comment peut-on évaluer les moyens nécessaires pour digitaliser la fonction RH ?

Savoir ce que l’on veut, pour commencer, et différencier ce que l’on voudrait ou pourrait avoir de ce dont on a besoin. L’information appelle l’information, et l’on arrive parfois à mettre en place des outils parfaitement inutiles collectant des données inutiles.
Une démarche saine consiste à auditer les outils à disposition, identifier les outils digitaux existants et pouvant apporter des gains de productivité-fiabilité. Cela permet de dégager des budgets pour les améliorations futures et pour l’innovation.

En tant qu’expert comment menez-vous une telle démarche en entreprise?

L’approche que je propose est simple. Un audit rapide, mais en profondeur des outils et process existants. L’identification des opportunités de simplification par la digitalisation. La configuration de la stratégie de digitalisation par un choix d’objectifs pratiques. La définition de la feuille de route correspondante. L’accompagnement opérationnel à la mise en œuvre. Complémentairement, la digitalisation générant toujours une transformation, l’accompagnement des collaborateurs-managers à l’acceptation de ces évolutions, car elles sont souvent perçues comme une menace à l’emploi, et déstabilisantes, car la digitalisation fait nécessairement évoluer les compétences requises.

Vos recommandations pour les directeurs des ressources humaines marocains ?

La digitalisation offre des opportunités considérables d’enrichissement des travaux RH. Il faut confier aux collaborateurs les tâches requérant intelligence et compétences humaines, et digitaliser les tâches répétitives et à faible valeur ajoutée. Pour vous donner un exemple, dans une organisation de protection sociale, la tâche de contrôle des dossiers de demande de retraite était énorme et souvent «pénible». Un robot a été conçu pour analyser les dossiers. Lorsqu’ils sont conformes, le robot approuve le dossier. S’il y a le moindre élément «qui ne colle pas», le dossier est référé à un «humain», qui doit alors le gérer. Le robot travaille 24h/24, 7 jours/7, et traite chaque dossier 40 fois plus vite qu’un collaborateur expérimenté.
Le résultat ? Les collaborateurs ne travaillent que les dossiers intéressants, ont une charge de travail équilibrée, alors qu’avant ils avaient du mal à traiter tous les dossiers, le traitement des dossiers est beaucoup plus rapide, et les bénéficiaires sont contents.
La stratégie de digitalisation RH doit permettre des améliorations importantes, en particulier sur les temps de traitement et leur fiabilité.

Le mot de la fin…

La digitalisation est avant tout l’instrument de la performance et de la croissance. Elle permet de s’ouvrir vers l’extérieur et elle n’est pas une mode. C’est une vague de fond. Retarder sa réflexion sur la digitalisation et son engagement sur cette voie revient à prendre du retard. Elle se fait toujours au bénéfice des clients de l’entreprise. Il serait paradoxal d’être sur le chemin de la digitalisation pour les offres aux clients et anachroniquement de continuer à gérer les RH avec de vieux outils.

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