Entretien

Nabila Mounib : « Le projet de commu-nication du PSU est prêt, il sera opérationnel à partir de septembre»

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ALM : Quel bilan faites-vous de vos premiers mois à la tête du PSU?
Nabila Mounib : Le PSU a créé l’événement, avec la nomination d’une femme en tant que secrétaire générale à sa tête. Il a gagné en visibilité et a suscité l’intérêt des différents médias et acteurs tant au niveau national qu’à l’étranger. Le PSU a profité de la dynamique déclenchée depuis, pour accélérer plusieurs chantiers dont celui de la reconstruction interne, de la communication, ou celui du renforcement des partenariats et actions sur le terrain. Nous avons voulu faire de cette 1ère année, celle du renforcement interne : élargir la base des adhérents, rajeunissement et féminisation, encadrement des militants, modernisation de l’administration et mise en place de structures régionales ainsi que le renouvellement des sections locales. Le PSU est de plus en plus visible. Ce chantier connaît une avancée certaine, suite aux rencontres avec les sections du parti, la tenue de nombreuses conférences, dans différentes régions du pays, pour expliquer le projet de société que défend le PSU, son analyse de la situation politique au Maroc et la mission qui sera celle du PSU et de la gauche ainsi que des forces démocratiques, pour relever les défis.

Quelles sont vos priorités ?
La présence sur le terrain a constitué l’une de nos priorités afin de soutenir les populations, à Taza, Larache, Chlihat ou ailleurs. Le projet de communication du PSU est prêt, il sera opérationnel à partir du mois de septembre. Le renforcement de l’action avec les partis partenaires de la coalition de la gauche démocratique a beaucoup avancé. Nous sommes conscients des injustices sociales qui aggravent la pauvreté, la précarité et le chômage de catégories de plus en plus importantes de la population, c’est ce qui renforce notre engagement et notre détermination pour le soutien au M20F et aux autres mouvements de protestation. Un travail de rassemblement des forces de gauche et des forces démocratiques est à l’ordre du jour, pour constituer une force capable de s’opposer à tout ce qui pourrait constituer une entrave à la construction démocratique, à la réalisation de la justice sociale et au respect des libertés, des droits et des valeurs universelles. Le PSU encourage la lutte démocratique pour le changement démocratique et appelle à la réflexion aux alternatives crédibles.
 
Une femme à la tête d’un parti politique au Maroc. Vous attendiez-vous à ce challenge ?
Très honnêtement non, mais je suis convaincue par ailleurs, que plus il y aura des femmes de principe au niveau des centres de décision, notamment en politique plus la société avancera vers la démocratie et la pleine citoyenneté. L’engagement politique reste une question de conviction et de principe, j’estime qu’il fait partie intégrante de la solidarité que nous devons témoigner aux autres. Ceci dit, je n’ai jamais cherché à me mettre au premier rang et je peux dire que cette désignation est venue vers moi plutôt que l’inverse. Je pense, qu’hormis le parcours avant-gardiste du PSU dans la défense des droits des femmes, au côté d’autres forces progressistes, avoir gagné la confiance de mes camarades, et que par ma désignation le PSU a, une nouvelle fois, concrétisé sa résolution à défendre un projet de société égalitaire, démocratique, avec ses hommes et ses femmes et a prouvé son engagement sans relâche pour la cause féminine et à la démocratisation de la société. Je pense que l’une des qualités d’un leader, c’est de pouvoir susciter la confiance et le respect, et d’être lui-même respectueux des autres, être à leur écoute, être capable de motiver les «troupes», apprendre à encaisser les coups durs mais surtout savoir se relever ce n’est pas seulement une question de compétence, d’expérience ou de charisme, c’est la ténacité, la persévérance, l’acharnement et la foi.
 
Le PSU a récemment brillé par son absence sur la scène politique nationale. Est-ce pour donner l’impression que le parti se prépare intensément pour les prochaines échéances?
Le PSU est présent et visible pour ceux qui veulent bien le voir. Nos militants ne sont pas des créatures électoralistes, bien que la participation aux élections constitue pour nous la règle, et que le boycott constitue l’exception.
La lutte démocratique doit être menée de l’intérieur des institutions et aussi par d’autres moyens, notamment dans la rue et à chaque étape, ses outils. Le PSU n’a jamais été absent sur la scène politique nationale, il a été et est toujours combattu pour faire taire sa voix. Une voix qui dérange les résistants au changement démocratique, ceux qui se servent au lieu de servir le peuple et qui veulent que nous répétions tous en chœur «alâam zine». Il n’y a pas de relais, pour faire échos aux nombreuses actions que le PSU mène, tant pour dénoncer les injustices et les choix non démocratiques, que pour soutenir les populations en détresse ou autres catégories et ce sur plusieurs fronts. Le PSU a voulu faire de 2011 une année exceptionnelle au cours de laquelle les Marocains auraient, de manière pacifique, pu nouer avec la démocratie, après 55 ans d’attente. Nous ne sommes pas absents, nous refusons la cooptation et le ralliement aux forces réactionnaires. Nous avons été présents dans de nombreuses régions qui ont connu des mouvements de protestation et dans d’autres manifestations mais les médias nous boudent, car on cherche à transmettre une image d’un Maroc qui a engagé des réformes importantes alors que les réformes fondamentales sont toujours à l’ordre du jour !

Le paysage politique attend toujours l’annonce de la date des prochaines élections. Que pensez-vous de cette situation?
Ce que le Maroc mérite et que les Marocains attendent, ce n’est pas seulement d’être fixé sur la date des élections, mais c’est surtout la mise en place des conditions capables de faire des élections un véritable rendez-vous démocratique traduisant la volonté populaire en pouvoir.
Les Marocains ont perdu confiance, comment pourront-ils se mobiliser demain? Ils attendent que les élections soient libres et transparentes et que les institutions qui en émaneront soient crédibles et œuvrent pour l’intérêt général «servir le peuple sans se servir».
Ils attendent également d’avoir des partis politiques autonomes avec de vrais programmes politiques. Ils attendent une réforme des lois électorales et celle des partis politiques, du découpage électoral, du mode de scrutin, une révision des listes électorales, une lutte contre l’impunité et l’instauration de l’Etat de droit.

Quelle évaluation faites-vous du gouvernement d’Abdelilah Benkirane?
L’évaluation se fera sur le bilan global en fin de mandat, mais il est possible d’analyser l’action du gouvernement actuel dans sa globalité et à la lecture de ce qui a le plus marqué l’opinion publique. Il est dans la continuité des politiques et des choix opérés par les précédents. Des politiques sectorielles sans cohésion, application de l’accord général sur le commerce des services mis en place par l’OMC, privatisation progressive de l’enseignement et autres services publics. Le gouvernement a révisé à la baisse le taux de croissance, le nombre d’emplois à créer, le déficit budgétaire s’aggrave, la dette souveraine augmente et la souveraineté de la décision risque d’être abandonnée aux mains des institutions financières internationales, qui pourraient exiger du Maroc l’application du PAS (Plan d’ajustement structurel) qui ne manquera pas d’avoir des conséquences désastreuses sur la condition socio-économique, sur la pauvreté et pourrait même menacer sérieusement la paix et la cohésion sociale. Il y a une absence de stratégie pour faire face à la crise économique et sociale qui accentue les écarts et augmente le nombre des marginalisés, d’exclus, dont les enfants et les femmes de la rue, phénomène qui connaît une croissance exponentielle, en l’absence de mesures concrètes, surtout que la crise économique et financière mondiale semble non maîtrisable. Aussi, une seule femme au gouvernement constitue un signe des plus négatifs, et traduit en même temps qu’il trahit ce qui a été tu concernant ce que le parti arrivé en tête des élections prévoit comme place pour la femme marocaine dans la société.
De même que les déclarations misogynes du chef de gouvernement ainsi que les positions prises par la seule femme ministre, lors d’affaires, ayant secoué l’opinion publique, comme celle d’Amina Filali, ne sont pas pour rassurer tous ceux et celles qui croient que la cause de la femme fait partie intégrante de la lutte pour une société démocratique et moderne.
 
Alors comment voyez-vous l’avenir de la femme avec la montée des islamistes?
La femme c’est l’avenir de l’homme… et de la société démocratique en devenir. Le Printemps arabe a permis l’arrivée par les urnes de courants islamistes. Certes les femmes sont plus préoccupées par la préservation de leurs acquis, dans le domaine des droits et libertés, que par l’acquisition de nouveaux droits. La question des femmes n’a jamais constitué une priorité pour les gouvernants, c’est la raison pour laquelle la lutte pour faire accéder les femmes aux postes de décision est aussi importante que la lutte pour l’abolition de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes et leur accès à tous leurs droits. Les femmes, qui refusent d’être exclues des fruits du changement qui a touché la région maghrébine et arabe, accéléreront, par leur engagement, le changement de société et donc la construction d’une société égalitaire et donc plus juste, qui permettra l’accès à la pleine citoyenneté pour les hommes et les femmes et donc permettra la libération des potentialités féminines et masculines et par là, la réalisation de la justice sociale et le développement.
 
Avez-vous fixé la date du congrès national du parti?
Le congrès du PSU se tiendra dans 3 ans comme cela est prévu dans son statut, nous croyons que la lutte démocratique doit mener le Maroc au changement démocratique et nous croyons tout aussi fermement qu’il n’y a pas de démocratie sans démocrates. Nous sommes exigeants, vis-à-vis de nous-mêmes en veillant à la tenue régulière de nos congrès et au renouvellement des institutions du parti. Les congressistes sont élus au niveau des différentes sections du PSU. Le financement du congrès est également entièrement assuré par les militants et sympathisants, sans subvention étatique, c’est également une assurance supplémentaire de l’autonomie de nos décisions, de notre projet de société ainsi que du choix du secrétaire général du parti élu par les militants pour 3 années renouvelable une fois.