Vingt-cinq ans de réclusion pour une gorgée d’eau

C’est en errant dans les rues que Khaled, 17 ans, a passé plus de la moitié de sa vie. Sa mère a divorcé de son père alors qu’il n’avait que 5 ans. Depuis, son père ne l’a jamais vu. C’est sa mère qui a dû s’occuper de lui, et s’est livrée, pour cela, à la prostitution. Khaled a été inscrit à l’école, mais n’y est resté que deux ans. Il a fugué, pas seulement de l’école, mais de la maison également. Il est devenu un SDF, puis un voleur. Il se retrouve, aujourd’hui, au banc des accusés de la salle d’audience à la chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca. «Khaled N. !», appelle le président de la Cour.
L’accusé a rejoint le box. Quatre témoins du crime ont été également appelés par le juge. Il s’agit de la mère de la victime et de trois amis de celle-ci, qui étaient présents lors du drame. Sur ordre de président de la Cour, ils ont quitté la salle d’audience en attendant que Khaled soit interrogé. Ce jeune homme est accusé d’homicide volontaire. «Tu as poignardé mortellement Noureddine…», lance le président de la cour. «J’étais dans un état d’ivresse…», déclare Khaled.
Il a raconté avoir croisé Noureddine, âgé de 12ans, qui portait un bidon d’eau de cinq litres. Il venait de le remplir des robinets publics installés dans son bidonville.
«Je lui ai juste demandé quelques gorgées d’eau…», martèle l’accusé devant la Cour. Noureddine a refusé d’offrir de l’eau à Khaled qui le lui a réitéré encore une fois sa demande. Selon le récit de l’accusé, Noureddine s’est moqué de lui, l’a insulté et lui a demandé de partir. Khaled s’est alors énervé et a giflé Noureddine et l’a roué de coups. En larmes, Noureddine a abandonné son bidon et est reparti en courant. Une demi-heure plus tard, Khaled était dans un terrain vague pas loin du bidonville quand Noureddine l’a suivi, accompagné de trois autres enfants. Ils ont commencé à lui jeter des projectiles avant de l’attaquer, de le jeter par terre et de le rouer de coups de poing et de pieds. «Ils m’ont provoqué… Je ne sais pas comment j’ai pris le couteau, qui était dans ma poche…et je lui ai asséné plusieurs coups», souligne Khaled devant la Cour.
Les trois autres jeunes garçons ont couru vers la baraque des parents de Khaled pour les alerter. Sur convocation de la Cour, la mère de la victime a expliqué, les larmes aux yeux, avoir demandé à son unique fils d’aller chercher de l’eau, ce matin-là : «Mais, il n’est plus revenu !», dit-elle, en pleurant. Les trois amis ont affirmé à la cour avoir accompagné Noureddine pour qu’il puisse se venger de son agresseur. Ils ont nié l’avoir tabassé comme il le prétend.
Après le réquisitoire du représentant du ministère public et la plaidoirie de l’avocat constitué dans le cadre de l’assistance judiciaire et les délibérations, la Cour a condamné Khaled à 25 ans de réclusion criminelle.